Dour, clap de fin: que reste-t-il des Libertines?

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Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

A défaut de retourner la foule, le groupe de Peter Doherty et de Carl Barât n’a pas démérité dimanche à Dour.

On a pas mal disserté ces derniers jours (comme ces dernières années d’ailleurs) sur la situation du rock au festival de Dour. Le peu de monde au Garage, sa tanière électrique, son sanctuaire dédié aux guitares (capacité 1000 personnes)… Mais aussi la désaffection devant les concerts sous d’autres tentes d’un Shame ou d’un Bar Italia.

On ne récupère pas facilement un public qu’on a perdu. Des spectateurs qui sont passés à autre chose et qui ont pris d’autres habitudes. On ne fait pas non plus facilement payer 200 balles pour des groupes qu’on peut voir à des prix très abordables dans des circonstances plus intimes et appropriées (l’amateur de post punk s’en fout pas mal de payer le cachet des artistes sur la Last Arena)…

On se demandait donc un peu dimanche soir, à quelle sauce les Libertines, calés sur la Petite Maison dans la prairie entre les Girls in Hawaii et Arca, allaient être mangés. A moins que quelque chose nous échappe et que des souvenirs se soient taillés avec quelques-uns de nos neurones ce week-end, les Libertines n’avaient jamais joué en festival en Belgique (ah, si finalement, le Cactus à Bruges l’an dernier). Ils étaient à leurs débuts en 2002 passés par les caves du Botanique et deux ans plus tard par son Orangerie (sans Doherty). Puis, après s’être reformés, avaient atterri dans un Cirque royal ou un Forest. Difficile pour autant d’estimer ce qu’il pesait dans un festival multi genres où le rap à davantage la cote que le rock et où certains se rendent comme en boîte de nuit («dis, je peux boire une gorgée de ta bière pour avaler ma pilule?»).

L’autre grande question à se poser autour de ce concert était, elle, relative aux Libertines eux-mêmes et à leur reformation. Avait-elle du sens? De l’intérêt? Anthems for A Doomed Youth (2015) nous était tombé des mains. Et All Quiet On The Eastern Esplanade paru le 5 avril dernier laisse à tout le moins circonspect. Au point qu’on se demande inévitablement ce que les jeunes rebelles punk qu’ils étaient en auraient sincèrement pensé? Passons.

Si Doherty, en costard et chapeau, est devenu un peu boursouflé (ce n’est pas nouveau), Barât a retrouvé le look et le physique de ses 20 ans. Ce n’est certes pas une grande communion et encore moins un bordel sans nom mais le concert en toute simplicité tient la route et semble même, à regarder les têtes autour de nous, plutôt fédérateur. Si la fougue et l’électricité sauvage ont disparu, la complicité et la connivence semble retrouvées. Vertigo, Horror Show, Time For Heroes, Music When The Lights Go Out, What Katie Did, Don’t Look Back into the Sun… La set-list avec ses hauts et ses bas fait surtout honneur à leurs deux remarquables premiers albums et c’est tant mieux. Même si les festivaliers ont l’air de connaitre les plus récents singles. «You’d better run, run, run, boy. Faster than the past. Through the looking glass. If you want the night to last.»

Certaines choses n’ont pas changé. Le batteur Gary Powell et le bassiste John Hassall assurent comme dans l’ancien temps. Doherty et Barât aiment toujours chanter les yeux dans les yeux dans le même micro… En attendant, vieillir dans un groupe de rock n’est pas chose aisée. A fortiori quand on personnifie à ses débuts le vent de la fraicheur et l’irrévérence de la jeunesse. Ce n’est plus ce qu’incarnent les Libertines aujourd’hui (Barât a eu 46 ans en mars et Doherty 45 en avril). Ils ont même tendance à vivre sur leur passé. Chacun décidera s’il faut s’en réjouir ou le déplorer…

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