Samedi, Ronquières a fait festival comble, avec notamment Julien Doré, Héléna et un Philippe Katerine des grands soirs.
D’abord, un petit point météo. Temps automnal, terrain lourd et gras, mais (quasi) pas de pluie pour barrer sa 2e journée de concerts : Ronquières respire. Mieux : il exulte. Les cieux cléments ont-ils rassuré les derniers hésitants ? Le long du fameux Plan incliné, le festival a en tout cas pu afficher complet ce samedi. De babord à tribord, cela fait un peu plus de 24 000 spectateurs. Et pour le coup, beaucoup de familles avec enfants, parfois (très) jeunes. Ils sont venus pour Héléna de la Star Ac’ – un album, trois Forest National en décembre, des chansons qui parlent (beaucoup) de cœur brisé et de comment-ça-fait-peur-le-succès-si-haut-si-vite, mais une chouette présence. Peut-être qu’ils ont aussi fait le déplacement pour Julien Doré. La voix cassée, mais des tubes plein les poches, la tête d’affiche du jour ne s’est pas débinée, soulignant plus d’une fois le miracle de pouvoir se retrouver pour danser et chanter ensemble, dans ces temps ô combien troubles et compliqués. Il a raison. Grand gamin, il lance un karaoké (sur les Limites), se fait ramener sur scène par un panda en mobylette, ou termine en reprenant la comptine des Crocodiles. Sacré Juju.
La plus grande cour de récréation du jour se trouvait cependant sur la scène annexe. Pour l’animer, ni plus ni moins que Philippe Katerine, grand maître ès-chanson dada, qui terminait sa tournée à Ronquières. Plus que jamais, il a montré qu’il était le king (faussement naïf) de l’absurde – ou plutôt la queen, démarrant son concert en Reine d’Angleterre. Ou encore le grand gourou post-hippie d’une pop azimutée. Entouré de ses (excellents) musiciens, vêtu chacun d’une toge de couleur vive, il enchaîne d’ailleurs avec Nu, longue barbe de messie, une couronne de fleurs dans les cheveux, uniquement vêtu d’un cache-sexe. Comme lors de la cérémonie d’ouverture des JO de Paris, il y a tout juste un an. A l’époque, la séquence n’avait pas manqué de faire réagir les rageux. « La honte », « Pauvre France », « Dégénéré », rappellent les commentaires lus en voix off, pendant que le John Lennon vendéen se désape pour chanter son Imagine à lui – imagine all the people vivant à poil et en paix, ou quelque chose comme ça…
Nu et culotté
Philippe Katerine n’est pas qu’un doux illuminé pour autant. Roublard, il sait aussi très bien comment jouer pour et avec son public, le caressant d’un côté, le titillant de l’autre, adorant jouer avec les limites. A Ronquières, il improvise par exemple une P’tite Gayole, popularisée par l’icône wallonne Julos Beaucarne, né pas loin d’ici (à Ecaussinnes). Pas bégueule, Katerine n’oublie pas non plus de glisser ses plus gros tubes. Louxor j’adore évidemment – pendant lequel sa robe se gonfle aux cris du public. Ou encore Des bisous et La banane – rejoint par la dizaine de spectateurs spécialement déguisés pour l’occasion.
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Dans le public, ça se bidonne. Mais sur scène, ça joue sévère. Façon revue funk quand Philou et son band enchaînent Êtres humains et Sous mon bob, deux titres à 20 ans d’écart, mais qui se rejoignent parfaitement sur la piste de danse. Faut les voir aussi Total à l’ouest, démarrant sur des claviers orientaux pour finir en reggaeton. Même quand il laisse son guitariste (Gabriel Gosse) partir dans un solo électrique, pendant Zouzou, Philippe Katerine ne peut s’empêcher de le court-circuiter, l’empêchant de tomber dans la démonstration par trop racoleuse. Populaire, oui, mais pas populiste. Le saxo d’Adrien Soleiman peut ainsi crooner sur un morceau (Parivélib’) avant de partir en vrille, quasi free jazz, sur le suivant (Marine Le Pen). Bousculé, chahuté, on n’a pas le temps de s’ennuyer.
Allez, on y croit!
D’autant qu’entre les lignes – et les blagues sur le caca ou les éjaculations précoces -, le « message » est assez limpide. Sur son dernier album, Zouzou, sorti il y a un peu moins d’un an, Philippe Katerine se faisait volontiers plus intimiste. Sur scène, cependant, difficile de rester totalement à l’écart du chaos de l’époque. Après Marine Le Pen, le chanteur/acteur/chroniqueur continue avec Blond (« J’ai jamais dû montrer mes papiers ! »), puis Liberté (« mon cul ! »), dans lequel il glisse encore Juifs Arabes. Ensemble ? « Allez, on y croit ! », prêche l’intéressé, qui, à vrai dire, semble lui-même en douter. Soit.
En toute fin, il combine à nouveau l’intime – Moment parfait, ce chef-d’œuvre – et la grande communion dance, avec Patoutseul. « Je suis pas tout seul/comme une clope dans un paquet de clopes/comme une frite dans un paquet de frites ». Parole de sage.