Festivals: L’âge d’or du gaspillage
Dans notre petit pays, les festivals sont innombrables… tout comme les déchets que les festivaliers génèrent. Cette année, Bahram, 22 ans, n’a malheureusement pas pu se payer son ticket, mais a tout de même trouvé une façon originale de prendre sa part du gâteau. Récit.
Tout a commencé il y a quelques années. Je n’habite pas très loin de Werchter et, depuis mes quatorze ans, je reste dans les parages du festival Rock Werchter. C’était notre façon de nous défouler après l’année scolaire. Nous achetions un billet pour le camping et tentions d’accéder en cachette à la prairie. Un jeu passionnant qui me fait penser un peu au jeu du foulard chez les scouts. Nous avons réussi presque chaque année.
Il y a deux ans, ce petit jeu a brutalement pris fin. L’arrivée de la puce électronique a subitement réduit nos chances à néant. Fini de s’amuser, pensez-vous. Rien de moins vrai! Nous avions pris l’habitude de rester plus longtemps sur le camping le lundi, lorsque le festival était terminé, pour le piller de A à Z. Il est vraiment absurde de voir tout ce que les gens abandonnent (et abîment) en quelques jours.
Cette année aussi, nous avons décidé de tenter notre chance. Quelques amis sont passés aux campings de Graspop et Rock Werchter. Ils sont revenus avec environ 150 litres de bière et de boissons spiritueuses… J’ai décidé de tenter ma chance avec trois amis après le premier week-end de Tomorrowland.
10 heures: heure de pillage
Nous sommes arrivés vers 10 heures du matin. Un flot de gens quittait le camping, le moment idéal pour le piller. Lorsque nous sommes arrivés à l’entrée du camping, nous avons vu qu’il fallait un bracelet pour y accéder. Cependant, les gardes de sécu étaient en sous-effectif et à côté du camping dont les gens sortaient, il y avait une entrée gardée par deux adolescents préposés au scan des bracelets.
Nous leur avons demandé si nous pouvions aller aider un ami à mettre ses affaires dans sa voiture. Malheureusement, ils ont refusé. À côté, il y avait des entrées fermées par des barrières. Nous avons décidé de nous faufiler par l’une des portes fermées. La chaîne autour était détachée et nous avons pu nous rendre sur le camping sans problème. Personne ne nous a rappelés à l’ordre et, légèrement boostés par l’adrénaline, nous avons entamé notre aventure.
Des centaines de tentes
Chaque fois, je suis étonné de voir tous les objets que les gens jettent parce qu’ils sont trop paresseux pour les ramener. Le camping était jonché de tentes abîmées et encore utilisables entourées de monceaux de déchets et d’objets. Nous avons commencé par vérifier toutes les tentes vides et par emporter les affaires qui nous paraissaient intéressantes. J’ai commencé par prendre un matelas pneumatique amusant pour l’étang et une chaise de camping, que j’ai fini par laisser pour pouvoir porter plus d’affaires.
Avec un ami, j’ai mis des cannettes de bière pleines dans des sacs en plastique. Une heure après, le sac était presque plein- je ne pouvais plus le porter! J’ai décidé de laisser la bière bon marché et de la remplacer par de la Jupiler et de la Maes.
Après avoir parcouru le camping pendant plus de quatre heures, chacun avait suffisamment d’objets. Nous avions fait tout le tour et je regrettais de ne pas avoir plus de bras pour porter plus d’affaires. Au moment où nous regardions encore quelques tentes près de la sortie, un bénévole est venu nous demander aimablement de quitter le camping. Nous lui avons assuré que nous allions partir, mais pas sans lui avoir posé quelques questions au préalable. C’était sa première année de bénévole, et il avait l’air enchanté de l’expérience.
Aussi lui ai-je demandé son avis sur les nombreux « abandons » de la part des festivaliers. « Les quantités sont vraiment incroyables. Nous avons le droit d’emporter les affaires encore utilisables pour les bénévoles, mais malheureusement, nous ne pouvons rien prendre pour nous. Je suis surtout choqué que les festivaliers abandonnent autant de matériel de camping. Ces objets sont souvent très chers et il en reste plein qui peuvent encore parfaitement servir. Les tentes, les chaises de camping, les matelas pneumatiques, les réchauds et les sacs de couchage ne constituent que quelques exemples de matériel abandonné », soupire-t-il.
Le butin
Arrivés à la maison, nous étudions notre butin qui vaut vraiment la peine. 65 cannettes de Jupiler, 17 cannettes de Maes, 4 cannettes de Stella Artois, 3 cannettes de Leffe brune, une bouteille de rhum pleine, une autre de vodka tout aussi pleine et un fût de cinq litres de Beck’s non entamé. En outre, nous avons encore quelques tentes et sacs de couchage, une paire de bottes en caoutchouc, un matelas pneumatique, un nouveau sac de voyage, huit allume-feu et encore quelques petits objets.
Parfois, je regrette de ne pas avoir pu emporter toutes les affaires, mais je suis content d’avoir pu sauver un grand nombre d’objets du conteneur.
Bahram Maaruf/StampMedia, trad.: C.B.
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