Esperanzah ! J1 – Ou comment couper-décaler engagé

© Noah Dodson

Floreffe accueille pour 3 jours un joli festival de world music, tout en dreadlocks et en sarouels.

La grande qualité d’Esperanzah!, c’est sa taille. Conditionné à l’espace sur lequel se déploie l’abbaye de Floreffe (y’a pire, comme décor), le festival de musique du monde devrait rester à l’avenir comme aujourd’hui : humain. C’est-à-dire qu’à l’entrée, il n’y a pas de molosse rugissant détaillant le contenu de votre sac (et donc, votre intimité la plus intime) reniflant votre bouteille d’eau quand il ne la confisque pas tout simplement. C’est aussi à dire qu’aux bars, on fait la file 2 minutes, le temps de choisir contre quoi on échangera nos crédals -monnaie officielle pour l’achat de boissons (tickets, quoi)- : bière de Silly, jus de pomme (…) et surtout pas de coca. Et puis, un festival à taille humaine signifie aussi une certaine douceur de vivre, un rythme plus lent, un  » s’il-vous-plaît-merci-de-rien «  aux échoppes alimentaires, des allées dans lesquelles on peut déambuler le nez en l’air, des bénévoles qui prennent le temps de vous aider à jeter votre trognon de pomme dans la poubelle de triage adéquate…


Mais le grand défaut d’Esperanzah!, c’est probablement aussi sa taille. 30 000 festivaliers (contre quelque 200 000 pour Werchter, 80 000 pour Couleur Café et 60 000 pour les Ardentes, par exemple), ça ne justifie sans doute pas la mise sur pied d’un système de navettes. Enfin, c’est la conclusion à laquelle nous sommes arrivé au terme des 3h30 de train, de bus et d’attente entre Bruxelles et Floreffe. Un comble, pour un festival durable qui a fait de la prise de conscience des problèmes environnementaux un de ses chevaux de bataille.


Soit. Au bout d’un périple célébrant les vertus de la mobilité très très douce, nous y sommes finalement arrivés, à cette grande fête à la musique du monde (conseil aux usagers des TEC pour savoir quand descendre du bus : suivre les gros cheveux). Qui prétend avec un enthousiasme non feint qu’il est possible de le changer, ce monde. Non sans humour, d’ailleurs, comme lorsqu’il propose une échoppe McDo -oui mais McDonalgue, qui comme son nom l’indique, sert des repas à base d’algues.


Première halte : la petite scène  » côté souck « , où La Baleine, groupe néolouvaniste conscient et engagé slamme l’altermondialisme sans se prendre le chou.  » Pas de solution individuelle ! « , martèle-t-il devant un parterre torse nu qui agite ses dreadlocks au rythme de la grosse caisse. Autre scène, autre moeurs, avec Hocus Pocus, qui a le majeur qui le démange côté jardin. Les Nantais servent un rap aux textes éclairés et aux rythmes groovy à une assemblée baignée de soleil. A coup de  » Ça va ou quoi ? « , de gimmick et d’appel à la danse, Hocus Pocus conquiert même les familles, qui remuent du popotin entre deux épis de maïs équitable.


Suivra, dans la cour, l’excellent flow de la Daara J Family, groupe de rap sénégalais souvent considéré – à raison – comme le meilleur d’Afrique. Sensiblement exotique tout en servant des sonorités et des thématiques efficaces et accessibles, qui pourraient sans problème s’emparer des dancefloors d’ici. Ça rappe, ça vibe, ça harangue, mais toujours avec justesse et subtilité.


Dans le souck, on donne dans l’africain d’Afrique, dans la musique qui fait couper-décaler. Le staff des leaders a pris possession des lieux, et dessine des 8 avec son bassin comme personne. Sourires et crazy signs (oui, comme au Club Med)… C’est rigolo, c’est frais, c’est festif : le démon de la danse s’est définitivement emparé du festivalier.


Avant d’aller l’exorciser côté cour avec Le peuple de l’herbe, il lui reste à célébrer la beauté du métissage avec Abraham Inc., qui a convié pour la soirée David Krakauer, Fred Wesley et Socalled. Ce dernier, DJ et MC montréalais, a la tronche de Scritch de Sauvés par le gong, mais un flow digne des plus grands maîtres américains du hip-hop. Le créateur du Klezmer-Hip Hop de Montréal imprime un rythme inattendu à la musique juive ashkénaze. Abraham Inc et ses copains malaxent, tordent et essorent les traditions pour en sortir le meilleur : l’universel.


Presque un slogan pour Esperanzah ! J1, qui aura démontré que l’exotisme le plus lointain peut résonner chez chacun, du moment qu’il croit qu’un autre monde est possible.


Myriam Leroy

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