Esperanzah 2015, les innovations d’un festival hors-piste
Le festival alternatif de l’Abbaye de Floreffe cherche la plus-que-perfection. Gestion des déchets exemplaire, engagement citoyen, et programmation cinq étoiles… Cette année encore sera celle de tous les superlatifs.
La 14e édition du festival Esperanzah! s’éloigne un peu plus des sentiers battus. Que ce soit en matière de gestion des déchets, de défense de valeurs identitaires ou d’engagement citoyen, le festival militant ne fait rien comme les autres. Il fait même « tout autre chose, mais pas n’importe quoi », grâce à une double campagne de sensibilisation commune avec le CNCD 11.11.11., son partenaire de route depuis une dizaine d’années. Depuis sa création en 2002, le festival résiste, dénonce ou témoigne, mais en chanson, arts de rue et cinéma, s’il vous plaît.
La première des deux campagnes menées avec l’ONG, pour la promotion sociale, rappelle que 3/4 de l’humanité n’ont pas accès à la protection sociale. « Au moindre aléa de la vie, les personnes se retrouvent dans la plus grande précarité. Et ça aussi, c’est en train d’arriver en Europe, avec les politiques d’austérité. En Grèce, par exemple, 28% des personnes n’ont plus de couverture santé. C’est une des choses qu’on va dénoncer à Esperanzah! via des stands et des débats », promet Carine Thibaut, directrice campagne au Centre National de Coopération au Développement 11.11.11.
L’autre campagne de mobilisation pousse l’engagement citoyen encore plus loin. Le CNCD 11.11.11. veut du monde à Paris en décembre, pour la 21e conférence des parties de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, qui doit apporter une réponse politique forte aux enjeux du réchauffement climatique. « L’idée, continue Carine Thibaut, c’est de mobiliser les citoyens pour aller à Paris et réclamer un accord contraignant et solidaire par rapport à tous les pays qui sont victimes du réchauffement climatique mais n’en sont pas responsables. Et donc éviter qu’on passe la barre des deux degrés du réchauffement climatique. »
En pratique, sur le site du festival, des chapiteaux abriteront les quatre conférences prévues sur les thèmes de la protection sociale et du changement climatique. Des stands de mobilisation donneront aussi la possibilité aux citoyens de s’inscrire pour le voyage à Paris et de se mobiliser via une pétition en ligne pour défendre la protection sociale dans le monde.
Vert, j’Esperanzah!
La green attitude d’Esperanzah! n’est plus à démontrer. Sans fanfare ni coup de pub outrancière, le festival est en route vers le perfectionnement de sa gestion des déchets et des produits de consommation qu’il propose.
« Pour le moment, annonce fièrement Jérôme Van Ruychevelt, responsable de l’action associative à Esperanzah!, on essaye de perfectionner ce qu’on met en place. Au niveau de l’alimentation, on propose des produits éthiques, locaux, durables ou équitables. Cette année, l’idée était de renforcer le groupe d’achat entre les commerçants du Comptoir des Saveurs (le point restauration du festival) pour acheter leurs produits durables ensemble auprès de la coopérative des paysans-artisans de Floreffe. »
Le festival peut aussi s’enorgueillir d’un perfectionnement de sa gestion des déchets et de ses efforts pour les limiter au maximum. Par exemple, les festivaliers pourront étancher leur soif avec des boissons éthiques (et même éthyliques) produites localement et servies dans des gobelets réutilisables.
Respectueux de l’environnement jusqu’au bout des dépliants, Esperanzah! soigne également sa communication en limitant sa consommation de papier (et donc sa production de CO2) pour attirer les foules à l’Abbaye de Floreffe.
Oyez oyez braves gens!
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle Esperanzah! a choisi la gare de Namur, endroit idéal pour présenter à la presse et aux voyageurs le programme de son édition 2015. Nul besoin de prospectus pour cette « conférence de presse » pas comme les autres, offrant aux navetteurs un moment à propager et à partager avec ceux qui n’ont pas vécu ces quelques minutes de prestations explosives.
Le happening rassemblait quelques-uns des artiste programmés au festival cette année, avec une volonté affirmée de représenter tous les arts présents sur place, exception faite du cinéma. Mochélan portait haut les notes du slam, rap et hip-hop, et le Zievereir Street Orchestra, celles d’un orchestre déjanté au croisement de la fête et de la folie. Les acrobates de la Bubbles Team ont démontré avec brio qu’il n’est pas d’obstacle infranchissable (même pas l’espace restreint d’un hall de gare) pour danser dans les airs, et le body painting de la Toile Humaine n’a laissé personne insensible aux charmes d’un corps sacré oeuvre d’art le temps d’un instant.
Les couleurs multi artistiques et multidisciplinaires du festival sont inscrites dans son ADN depuis le début de l’aventure, comme le rappelle le directeur d’Esperanzah! Jean-Yves Laffineur. « Ce qui est important, c’est que le festival ait une identité globale. Et la multiplicité artistique contribue à cette cohérence et au fait que les festivaliers se sentent embarqués dans une énergie forte. Il y aura encore beaucoup de performances artistiques cette année. Cela contribue à une prise de conscience que l’art peut transformer l’être et peut changer les choses. »
Changer les choses, se renouveler sans cesse pour au final changer le monde: une philosophie qui vaut aussi pour la programmation artistique du festival. « La force d’Esperanzah!, c’est une programmation hors des sentiers battus, avec des artistes de coeur, qui ont une démarche citoyenne. On essaye d’avoir toujours une programmation différente des autres festivals et axée avant tout sur la découverte. Ce qui ne nous empêche pas d’avoir de très beaux noms comme Asaf Avidan, Melody Gardot, Alpha Blondy, Chinese Man, Grammatik… Mais on est assez fier de notre programmation, qu’on sent vraiment différente. »
L’art peut transformer l’être et peut changer les choses.
Jean-Yves Laffineur, directeur d’Esperanzah!
Interrogé sur sa fierté dans le lineup de cette édition 2015, le directeur du festival répond sans hésiter: « Ibeyi! C’est mon coup de coeur cette année. Je les ai vues il y a deux ans dans un petit café à Paris; il y avait 20 spectateurs. Et puis les filles ont été repérées par des gens beaucoup plus importants et je me suis dit « je ne vais pas les avoir ». Et pourtant, cette année, elles sont à Werchter mais aussi à Esperanzah!, ce qui est une grande première. »
Il faut bien reconnaitre qu’Esperanzah! commence à être connu internationalement. De plus en plus d’artistes (Massilia Sound System en est le parfait exemple) viennent y jouer parce que cette image de festival alternatif leur correspond.
Dans cette ère de concurrence rude où « festival » rime parfois avec « éphémère », Esperanzah! résiste et prouve qu’il existe en convainquant sur des valeurs qui n’ont pas de prix.
Esperanzah!, du vendredi 31 juillet au dimanche 2 août à l’Abbaye de Floreffe.
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