Album - WE
Artiste - Arcade Fire
Genre - Rock
Label - Sony Music
À 180° degrés de leur album précédent, les Canado-Américains embarquent le coproducteur Nigel Godrich, entre angoisses et bonheurs intimes affirmés.
Depuis la parution de l’album Funeral en septembre 2004 -dédié à des morts proches-, AF n’a cessé de convoquer l’intime dans un répertoire supposé indie. Qui, étonnamment, va devenir au fil du millénaire, matière de groupe-à-stades. Le double pilotage charismatique de la formation de Montréal n’y est pas pour rien. Rayon masculin, le chanteur-compositeur-multi-instrumentiste Edwin Farnham Butler III (sic) est aussi complexe que son patronyme, abrégé en Win. Éduqué mormon, réformé par le rock, il rencontre sa compagne Régine Chassagne, d’ascendance haïtienne, à l’université montréalaise McGill. Prélude perso qui n’a jamais fait autant sens que sur WE, album où les biographies de Butler et Chassagne acceptent d’être dénudées et projetées. Par exemple, en croisant l’œuvre du poète américain beatnik Lawrence Ferlinghetti. Ou davantage encore par le livre du Russe Evgueni Zamiatine, Nous autres, paru en français en 1927. Une dystopie sous influence orwellienne, saga crispée d’une société totalitaire à la 1984. Tout cela croise donc le réel d’Arcade Fire. Soit la pandémie qui arrive alors que le couple Win et Régine a déjà composé une série de titres pour le nouveau disque. De la période d’enfermement qui suit, naîtront la “matière de deux-trois albums”.
Armée mexicaine
En attendant, WE se divise clairement en deux sections, pensées comme pour une sortie vinyle. Sur la face 1, trois premières chansons aux titres éloquents (Age of Anxiety I & II, End of the Empire). Sur l’autre face, quatre autres davantage teintées d’optimisme face aux incertitudes d’un futur arrogant et anxiogène. Les pièces de musique sont numérotées en autant de sections qu’en changements d’humeur, de tempo, d’harmonisation des sentiments, d’orchestrations mouvantes. D’une quarantaine de minutes, WE se veut concis tout en se laissant aller aux moments épiques. Avec des titres d’une longueur qui se déploie au plus beau dans les 9 minutes 17 secondes d’ End of the Empire: intro au piano en accords mineurs -comme sur plusieurs autres chansons- et puis, peu à peu, montée dans les tours avec emphase, gonflement sans ballonnement, cordes, chœurs et même sax fantôme. L’équivalent d’une armée mexicaine qui aurait écouté… Radiohead: difficile vers les 5 minutes 40 de ne pas penser aux Oxfordiens, au zénith mélodique d’OK Computer. Produit bien sûr par le même Nigel Godrich qui partage ici les manettes sonores avec Win et Régine. Son influence majeure est en deux temps: déshabiller toutes les émotions et les faire renaître. Comme dans le sensationnel The Lightning, 5 minutes 36 de jouissance pariée sur l’avenir: “The sky is breaking open, we keep hoping/In the distance, we’ll see a glow/Lightning light our way/’Til the black sky turns back to indigo”. Incertaines couleurs à suivre.
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