
Echt! sort Boilerism : coup de chaud sur le dancefloor
Issus du jazz, obsédés par les musiques électroniques, les Bruxellois d’Echt! sortent Boilerism, un troisième album au groove inflammable, entièrement tourné vers le club. Dansez maintenant!
Ils sont tous là. Pas le choix. Il ne reste que trois semaines avant le prochain concert d’Echt! à l’Ancienne Belgique. Les quatre musiciens se sont enfermés dans leur «planque» du Volta. Après avoir investi les murs de ce qui fut une usine pharmaceutique, à Anderlecht, le hub musical a atterri l’automne dernier sur un ancien site de Delhaize, à Molenbeek. Il y a la station Beekkant et ses quatre lignes de métro pas loin, le parc Marie-José envahi par les gamins, et, au pied d’une barre d’immeubles, la petite place rebaptisée espace Loubna Lafquiri, victime des attentats de 2016.
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Ici, c’est Bruxelles. Et donc aussi un peu l’Europe. Dans Echt!, il y a deux Montois –Martin Méreau (batterie) et Florent Jeunieaux (guitare)–, un Français –Dorian Dumont (claviers)–, et un Italien –Federico Pecoraro (basse). Dans leur studio de répétition, bourré d’instruments, deux petits radiateurs électriques font l’appoint. Mais toujours moins que la musique du quatuor. Le titre de leur premier EP –Douf, en 2019– annonçait déjà la couleur. Ou plutôt la température.
Bienvenue au club
Echt! fourbit en effet une musique instrumentale à combustion instantanée. Un melting-pot de vibes électro, hip-hop, trap, bass music ou encore footwork. Le tout entièrement joué, sans aucune programmation. Florent: «On aime creuser de nouveaux sons, et voir comment on peut s’approprier ce truc qui n’est pas du tout fait pour être « exécuté » par des humains.» Publié cette semaine, leur nouveau, Boilerism, pousse la formule encore plus loin. Toujours plus près du club. Dorian: «A vrai dire, cela fait un petit temps que l’on a envie de s’orienter plus franchement dans cette direction, de pousser dans cette zone plus uptempo. Les disques précédents étaient déjà dansants, mais pas tout à fait de la même manière.»
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Les albums Inwane (2021) et Sink-Along (2023) avaient en effet indiqué la voie. Que la dernière tournée –des Nuits sonores à Lyon au festival Lowlands aux Pays-Bas, en passant par Dour– n’a fait que confirmer. Martin: «On a été programmés un peu plus haut dans l’affiche, à des heures qui nous correspondent mieux. Sur le premier album, cela nous arrivait par exemple de jouer vers 17 ou 18 heures, quand il faisait encore jour. Ce qui était super en soi, mais ne permettait pas de développer le même set. Avec Sink-Along, on s’est retrouvés à jouer plus tard. Cela nous a confortés dans l’idée d’approfondir ce son-là.» Federico: «En festival, on croise d’autres musiciens, on reste pour voir les DJ qui passent après nous. Et le lendemain, on passe les dix heures de route dans le van à tout réécouter. Forcément, cela nourrit aussi énormément.»
Chaleur humaine
Voici donc Boilerism. Un titre en -ism, qui sonne presque comme un programme politique. Son credo? «La chaleur!, insiste Federico. Celle qu’on trouve dans un club quand on sue sur la piste de danse.» Dorian: «C’est forcément aussi une allusion à la Boiler Room (NDLR: la fameuse série de DJ sets, diffusée sur YouTube), qui englobe plein de styles qu’on défend sur cet album.» Le club auquel invite Echt! ne ressemble pas forcément aux mégadiscothèques. Ni aux gigadancefloors des festivals EDM, type Tomorrowland. La bonne parole du Boilerism se répandrait plutôt «vers 2 heures du mat’ dans une soirée bouillante au Reset (NDLR: tiers-lieu créatif dans le centre de Bruxelles), où on a besoin de boilers parce qu’il fait froid en hiver.» (rires)
On ne voudrait pas que l’on résume le jazz belge à des groupes comme nous, Tukan, etc. Et que cela invisibilise les musiciens qui, pour le coup, jouent vraiment cette musique.
Reste tout de même la question à un euro: et le jazz, dans tout ça? Les quatre s’esclaffent. «Ah ben moi, j’ai deux coups de cymbale sur le disque, c’est à peu près tout ce que je vois», s’amuse Martin. Tous sont pourtant passés par des écoles de jazz –c’est même là qu’ils se sont rencontrés. Et dans le récent documentaire de Jam, Jazz of Belgium, disponible sur Auvio, Echt! fait figure de tête d’affiche de cette nouvelle scène, qui s’amuse à croiser la musique de Miles Davis et Ornette Coleman avec celle d’Aphex Twin ou DJ Rashad. Dorian: «On adore évidemment le jazz, qu’on continue de jouer à côté. Mais ce ne sont pas ces références qui nous guident directement pour Echt!» Florent résume: «Dans le fond, on s’en fout de comment les gens nomment notre musique, de l’étiquette qu’ils veulent lui donner. Le seul truc, c’est qu’on ne voudrait pas que l’on résume aujourd’hui le jazz en Belgique à des groupes comme nous, Tukan, Jean-Paul Groove, etc. Et que cela invisibilise les musiciens qui, pour le coup, jouent vraiment cette musique. Si c’était le cas, cela deviendrait malaisant.»
This is the sound of B
Quitte à ranger sous une seule bannière le son de Echt! –et de toute la scène émergente, liée en grande partie au Volta–, on se raccrochera alors à celle du Brussels sound, «qui nous parle plus», avoue Dorian. De fait, la musique instrumentale de Echt! est la B.O. parfaite d’une ville au bord de la crise de nerfs. Assemblage hétéroclite, Boilerism rumine les mêmes angoisses (Moxy, Black Sablon), entre parano (Boilerbeek, Razor), course-poursuite sur la petite ceinture (Klaas Rescue sous acid) et dérapages contrôlés (accrochez votre ceinture avant de lancer BK Hole). De la ville, l’album reflète encore le goût pour l’absurde (le clip perché de Highed).
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Mais aussi une certaine poésie –les vapeurs ambient de Penguin Alfred, référence à feu Alfred David, personnage célèbre pour s’être baladé en permanence dans les rues de Schaerbeek (et sur les plateaux télé) déguisé en pingouin. Puisqu’après tout, c’est aussi ça, Bruxelles: une ville-boxon chaotique, mais à l’esprit libre et décalé. A l’image de Echt! et de son Boilerism, «manifeste» dansant, remplaçant la dystopie par l’utopie d’un dancefloor, à la fois batailleur et solidaire. Florent: «En soi, se réunir pour écouter de la musique ou danser tous ensemble n’a pas de sens. Cela n’a aucune « utilité ». Pourtant, les gens continuent d’aller au concert, en festival, à sortir en soirée. C’est quelque chose dont on a besoin, qui nous fait du bien. C’est cette chaleur humaine que l’on a envie de célébrer.»
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