Dutch invasion
La scène rock néerlandaise semble depuis quelques années sortir de sa torpeur. S’il n’a pas encore d’album dans ses valises, Tramhaus sonne la charge.
Pendant les années 80, 90 et 2000, la scène rock néerlandaise donnait la triste impression de se limiter aux pérégrinations anarcho-punk, tantôt jazz, tantôt bruitistes et parfois ethniques de The Ex. Alors que les Belges, Flamands surtout, semblaient avoir trouvé la formule magique d’une musique personnelle à caractère international, l’ennui régnait de l’autre côté de la frontière dans un royaume pas des masses électrique. Changement en profondeur ou simple réglage des projecteurs? Depuis que Jacco Gardner a ensorcelé 2013 avec son Cabinet of Curiosities, odyssée psychédélique jouant avec le fantôme de Syd Barrett, les rockeurs bataves se mettent à affirmer leurs talents et à afficher leurs ambitions. Les Rats on Rafts ont signé sur le label londonien Fire Records. The Homesick est défendu par les Américains de Sub Pop. Tandis que dans un genre plus exotique (vive la Turquie), Altin Gün a bossé avec les Suisses de Bongo Joe et les Allemands de Glitterbeat. De bons groupes, quelques grands disques ( On, Tape Hiss, Excerpts from Chapter 3 et The Big Exercise entre autres)… S’il vient de sortir son premier 45 tours, n’a que trois chansons à son actif sur Spotify et cinq followers sur SoundCloud, Tramhaus a tout pour prendre la relève. La tornade déferle au départ de Rotterdam et elle a déjà retourné plus d’une salle de concert. “ Pendant la pandémie, Nadya (van Osnabrugge, guitariste) a voulu lancer un nouveau groupe, monter un projet post-punk. Avec le confinement, on n’avait vraiment pas grand-chose à faire de nos journées, retrace Lukas Jansen, la voix, 25 ans, coupe mulet et piercing dans le nez. Elle m’a proposé de me joindre à elle. Initialement pour jouer de la batterie. Je tapais déjà sur les fûts de Pig Frenzy à l’époque et j’avais envie d’autre chose. Donc, je lui ai répondu que ça m’intéressait mais en changeant de poste… C’est la première fois que je chante dans un groupe. Ça me laisse beaucoup de liberté sur scène et je dois dire que j’adore ça.”
Les membres de Tramhaus tournent tous autour des 24-25 ans. Micha Zaat, le guitariste, est journaliste et écrit pour De Groene Amsterdammer. Jim Luijten, le batteur, a étudié Art et économie, un cursus qui se concentre sur le management et l’organisation dans le secteur culturel. Il bosse comme producteur pour Rotown, un café-restaurant, salle de concerts au cœur de la ville qui accueille Crack Cloud au lendemain de notre conversation. Lukas suit le même genre de formation. Il a travaillé comme ingénieur du son, organise des concerts locaux et internationaux à travers un collectif de quatre personnes pour qui il n’y a pas assez de punk en ville. Quant aux colocataires Nadya et Julia (Vroegh, qui n’avait jamais joué de basse auparavant), elles bossent dans un restaurant de burgers tendance vegan et bœuf bio.
Carte de visite
D’où vient la rage et la colère de Tramhaus? De Rotterdam? De l’actualité internationale? De la vie de tous les jours? De leur amour pour les musiques bruitistes? “ Je ne sais pas, réagit Lukas. Je n’ai pas l’impression d’être furieux ou fâché. D’ailleurs, je souris tout le temps. Je suis un mec heureux. Notre musique peut sembler menaçante. Sur scène, tu te rends compte que c’est plutôt une énergie débordante.” Lukas est tombé dans la marmite du rock avec Nirvana. “Puis, je me suis tourné vers Slipknot. Le métal, le grindcore et ce qu’on appelle powerviolence, un sous-genre violent et rapide du punk hardcore. En gros des trucs lourds, super rapides et en colère. Je n’était pas un adolescent plein de haine. C’était une question d’énergie. J’adorais aller aux concerts et regarder les gens voler…”
Jim a lui aussi commencé avec Kurt Cobain. “ Ma mère dit que quand j’étais gamin, je pleurais sans arrêt lorsqu’elle passait de la musique pour les gosses. Je n’arrêtais de chialer que quand elle mettait Metallica. Aujourd’hui, j’écoute beaucoup de groupes bruitistes au son nineties. Tu as l’impression qu’ils viennent des années 90, mais ils sont de l’an dernier.”
Rotterdam, la deuxième ville des Pays-Bas en nombre d’habitants, semble être devenue un nouveau hub pour les groupes à guitares. “ Tout le monde est très content de la scène actuelle, remarque Lukas. Le boss d’un magasin de disques génial ici souligne le fait qu’elle est très communautaire. On se soutient. On s’inspire.” “ On a de chouettes petites salles très ouvertes à la scène locale où tu peux facilement essayer de nouvelles choses, embraie Jim. C’est important dans une ville.” Notamment le Roodkapje, où a été filmé la carte de visite de Tramhaus, une vidéo d’une petite vingtaine de minutes. Une session qui décape. “ Comme le groupe est né pendant le confinement, on n’avait pas de concerts. L’idée est venue d’enregistrer un live sans public.”
Jim évoque Kalaallit Nunaat, un de ses groupes préférés en ville. Il parle de la scène rotterdamoise. “ Un mélange de jeunes musiciens et de gens plus vieux comme Lewsberg.” Et avoue ne pas trop être branché par le post-punk. “ Je m’y suis mis quand les autres m’ont embarqué dans l’aventure. J’adore un groupe comme Soft Kill par exemple. Je recommande chaudement leur album Choke .”
Tramhaus a sorti un single et reviendra en novembre avec un EP. Il espère entrer en studio avec de nouveaux morceaux dans un mois ou deux. “ Ça prend beaucoup de temps de fabriquer des chansons dont tu seras encore content quand elles sortiront. A fortiori vu les délais de pressage (rires). Il vaut mieux travailler avec des 45 tours. Ça accélère le processus et t’offre davantage de liberté. Pour l’album, on veut prendre notre temps. Tout va très vite pour nous. On a déjà plus de 60 concerts cette année.”
En concert le 13/05 au Vecteur (Charleroi), le 23/07 à rock zerkegem et le 05/08 au Micro Festival (Liège).
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