Dour J1: Dour ou le gang des postiches
Premier jour et premières heures de Dour 2014. Et déjà un braquage à l’italienne pour les bordelais de Cheveu. Explications avant une fin du monde prévue pour lundi prochain.
Message envoyé le 17 juillet à 16h12: « Vous êtes où ? Je suis devant la scène à droite ». Message reçu le 17 juillet à 16h18: « Pareil à gauche. Vazy bouge ta viande vieux kebab ! ». Le bilan du ballet des SMS échangés à un festival rock (avec son meilleur ami qu’on essaye de retrouver) ressemble souvent à un jeu de piste tristement inutile. Ces conversations textuelles pénibles, comptent parmi d’autres plaies typiques des festivals.
Tenter de convaincre – sans y parvenir – sa meute d’aller voir un groupe. Pester après un rendez- vous manqué. Sourire, malgré des problèmes de transit. Pogoter jusqu’à tomber presqu’inconscient sur l’herbe. Retrouver son lit (le vrai) après plusieurs nuits de supplice musculaire. On sait déjà comment Dour 2014 se terminera. Pour l’heure, l’événement indé et hennuyer préfère ne pas y penser. Car les promesses de découvertes musicales défilent sur les horaires des festivaliers à demi nus. Mieux, une cité éphémère, avec ses codes, sa géographie et sa monnaie (en tickets) se dessine. Plus que des vacances. On est pas au Burning Man. Mais une société parallèle se construisait doucement ce jeudi après-midi, sur la plaine de la Machine à Feu.
Inutile d’épiloguer sur le sujet du jour, forcément solaire. Des couvres chefs en tout genre tapissent le chapiteau du Dance Hall. Trio bordelais et bordélique qui réinvente le rock français depuis plus de cinq ans, Cheveu n’a toutefois pas besoin de haut de forme pour assurer son show. Derrière le micro, David Lemoine, gueulard, voyage dans un trip peuplé de monstres échappés de Captain Beefheart. Trois albums au compteur. Une voix caverneuse, presque cold wave. Des refrains comme des slogans sanguinaires. Un braquage en règle. À visages découverts.
Malgré sa pop obscure montée sur ressorts, le trio qui oscille entre claviers, guitare et boîte à rythme peine à faire décoller la foule assez chauve. Et pourtant, ça pilonne. Mais le taux d’humidité, sur place, pourrait transpercer un carrelage turc. Impossible de rouler une cigarette. Le papier et les mains glissent. Peu importe, la motivation du groupe qui en a déjà vu d’autres (notamment à Austin, New York et Montréal) est intacte.
Nettement plus courue que le Dance Hall, la tente géante de La Petite Maison dans la Prairie sourit elle en regardant les ballons multicolores de Son Lux survoler le public. On est loin des cheveux décoiffés par Born Bad Records (Frustration, Stephan Eicher…). On patauge plutôt parmi les fans d’Animal Collective et Grizzly Bear. Une bonne chose à priori. Mais musicalement, malgré un passage aux Ardentes que d’aucuns qualifiaient de magique, difficile de plonger. « Ce n’est pas de ta faute », lance Ryan Lott sur All the Right Things. L’homme orchestrant le trio composé d’un synthé, d’une guitare et d’une batterie n’est pas un mauvais bougre. Mais la formule -en particulier ses vocalises haut perchées et répétitives de hipsters démodés- ne (sur)prend pas.
Mieux valait donc opter pour une séance de ska et de rocksteady avec les six pistoleros des Slackers, sur la Last Arena. Plus grande scène du festival, cette plaine claudique sous des cuivres souriants. Punk attitude du chanteur qui malgré la chaleur met un point d’honneur à garder son costume trois pièce, chemise saumon et boutonnière en rouflaquette incluse. Pas étonnant, car Hellcat Record, le label californien de ce combo made in Los Angeles avait rapatrié les reste de Rancid il y a plus de dix ans. Au-delà de leur saxo prodige, les Slackers donnent donc la patate à la plaine du festival. Leur sincérité aussi via Vic Ruggiero, leur porte voix qui avoue: « Je n’ai pas peur de le dire, il y avait pas beaucoup de monde. Mais le coeur y est. » La motivation, avant la débauche et la loose finale aussi.
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