Au Micro Festival: le truc turc de Derya Yildirim & Grup Simsek

Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

À l’affiche ce dimanche du Micro Festival liégeois, Derya Yildirim & Grup Simsek remettent avec Altin Gün ou encore Lalalar la musique turque au goût du jour.

Que ce soit en salles ou en festival, à chaque fois, c’est la même fête. Le même triomphe. Et ce sera aussi le cas au Micro Festival. La musique turque a depuis quelques années maintenant fait chavirer le cœur des Occidentaux. Ou doit-on plutôt parler d’une reconquête? Comme Altin Gün, Gaye Su Akyol et Lalalar, Derya Yildirim & Grup Simsek jettent un regard jeune et moderne sur l’âge d’or de la scène anatolienne. Souvent, c’est une histoire d’expatriés, de diaspora. Derya est née et a grandi dans le quartier de Veddel, à Hambourg. Son grand-père et son oncle ont débarqué en Allemagne dans les années 60 pour travailler. Son père leur a emboîté le pas après ses études pour y tenter sa chance et essayer d’y faire sa vie. Ils ont lentement été rejoints par le reste de la famille. « C’est la même histoire du côté de ma mère, explique-t-elle. Et si beaucoup sont rentrés au pays après avoir trimé de nombreuses années, ma famille est de celles qui ont voulu rester en Allemagne en quête d’une meilleure existence. »

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Derya Yildirim a rencontré les membres de Grup Simsek en 2014 lors d’un projet théâtral à Hambourg. « Derya était l’une des musiciennes de la ville participant à l’aventure. Et nous, le reste du groupe, étions venus de France et d’Angleterre pour collaborer avec les artistes locaux, explique le claviériste Graham Mushnik. C’était censé être un one-shot. Mais à la fin du projet, on savait qu’on voulait continuer à jouer ensemble. L’alchimie était évidente. Malgré la distance géographique qui nous séparait, on a tenu parole et on est devenus un groupe. » Graham est, comme le guitariste, bassiste et flûtiste Antonin Voyant, membre de L’Orchestre du Montplaisant et du collectif français Catapulte Records.

L’an dernier, Derya et Graham ont sorti un disque pour enfants, Hey Dostum, Çak!, mais il n’a pas grand-chose à voir avec le projet. Grup Simsek, par contre, vient de rééditer conjointement en vinyle ses deux derniers albums Dost 1 et Dost 2. « Dost est un ami, un camarade, un frère, une sœur et plus encore, commente Derya. Dost est le lien nécessaire pour que cette vie et ce monde restent significatifs et égalitaires. Pour maintenir le respect et la tolérance. Les moments d’amour et de paix. Pour continuer à grandir et à apprendre les uns des autres. Pour se permettre, ainsi qu’à ces autres, de vivre la vie qu’ils ont choisie. »


À moins que vous ne parliez le turc couramment, vous devez vous demander de quoi exactement peuvent bien parler les chansons. « C’est assez compliqué à résumer, intervient Graham. Ce sont des émotions profondes. Des réflexions sur l’amour et sur la vie. Elles ont une dimension humaine et sociale, parfois pimentées d’un questionnement politique. Je parle à la fois de nos compositions et des titres folk que nous reprenons, comme ceux de Mahzuni Serif. Un grand poète qui s’est toujours battu pour les droits de l’homme et des travailleurs. »

Derya Yildirim et Grup Simsek ont récemment signé avec le label new-yorkais Big Crown. Ils reviennent d’une session d’enregistrement au Diamond Mine Studio et leur nouvel album, pratiquement terminé, sortira en 2025 (avec un petit aperçu, un single, dès ce mois de septembre). En cette fin d’année, ils tourneront aussi en Turquie et s’y produiront pour la première fois dans d’autres villes qu’Istanbul.

Les labels indépendants comme Bongo Joe et Catapulte ont joué un rôle prépondérant pour répandre la bonne parole. Ils ne sont bien évidemment pas la seule raison du succès. « La musique permet à ceux qui parlent le turc aux quatre coins de l’Europe de se reconnecter à leur culture, de se sentir en adéquation avec leur passé et leur présent, explique Derya. La culture musicale est un élément vraiment important pour ces gens. Chanter des chansons ensemble est l’une de ces expériences collectives qui a abouti au développement du folk. C’est aussi pour ça que Grup Simsek se bat. Ne pas oublier cette partie de la culture et cette manière spécifique de la préserver. La musique anatolienne peut exister sur les dancefloors, dans les salles de concert et d’autres endroits où on ne l’a pas encore vue tant que ça. Elle transmet un sentiment, une émotion très spéciale, universelle qui peut être ressentie par n’importe quelle personne sur Terre si tant est qu’elle est prête à ouvrir son cœur. »

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Yildirim a été bercée à la maison par le folk anatolien, ses interprétations psychédéliques, de la musique classique turque et plein d’autres genres venus du Bosphore. « Majoritairement ce qu’aimaient mes parents et grands-parents » Mais en vivant dans une métropole multiculturelle comme Hambourg, elle a aussi été influencée par ce qui passait à la télé. Le r’n’b, le mainstream. « Et aller à l’école de musique pour étudier le piano m’a amenée à la musique classique européenne. » En attendant, c’est le saz, le baglama, son instrument de prédilection, qui dresse un pont entre la tradition et la modernité. « Je pense que c’est la clé de l’équilibre de ces deux mondes. On le sent quand on compose une chanson ensemble. Dès qu’on ajoute le saz, le morceau prend une forme différente, une énergie différente, une ambiance différente. Soudainement, tous les éléments du groupe se retrouvent dans un même chaudron où la tradition et la modernité sont synchronisées. The Trip en est un bon exemple, même s’il s’agit d’un titre instrumental. »

C’est aussi le saz quelque part qui est à l’origine et au cœur de toutes les attentions. « Il appartient à une culture très ancienne. Et cette culture musicale est essentielle pour la diaspora parce que c’est la dernière chose qui lui reste. Aujourd’hui, c’est un peu différent. Après trois ou quatre génération d’immigration, les choses changent. Différents éléments te mettent en connexion et la signification du mot « maison » évolue. »

Derya Yildirim en est persuadée, la vague turque est faite pour durer. « Les gens parlent de hype. Je ne crois pas. Le son du saz, qui définit et oriente celui de notre groupe, est synonyme d’une transmission unique, universelle, transcendantale. Peut-être que le succès et la célébrité de ce genre musical attendaient juste que de nouvelles générations de la diaspora le propagent en de nouveaux endroits. Plus aisément, plus couramment, plus naturellement. Dans le temps, cette musique rencontrait déjà énormément de succès. Mais c’était dans le cadre de la musique turque reliée à un territoire géographique. Seuls quelques artistes comme Baris Manço et Erkin Koray sont alors parvenus à l’exporter. Quand tu es né ailleurs et que tu partages la musique de tes ancêtres, je crois qu’elle bénéficie d’un autre accueil et exerce un autre impact. C’est en tout cas ce que j’ai ressenti personnellement. »

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