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Comment le Super Bowl est devenu un rendez-vous incontournable pour la planète pop?
Dans la nuit de dimanche à lundi – heure GMT-, le Super Bowl livrera son verdict sportif. Et offrira une vitrine promotionnelle exceptionnelle à Kendrick Lamar, en charge d’animer la mi-temps. Focus sur un rendez-vous sportif devenu un incontournable momentum pop.
Qui remportera le Super Bowl? Les Philadelphia Eagles ou, pour la troisième fois consécutive, les Kansas City Chiefs? Vous n’en avez rien à faire? Vous ne saisissez de toutes façons pas grand-chose aux règles du football américain? On vous comprend: nous, non plus. Par contre, il y a plus de chances pour que vous vous intéressiez à ce qui se passera pendant la mi-temps de ce qui reste malgré tout l’un des événements sportifs les plus regardés au monde. Cette année, c’est Kendrick Lamar, le rappeur aux 22 Grammys, le seul à avoir obtenu le prestigieux Prix Pulitzer, qui aura pour charge d’animer la pause. Il ne devra pas traîner: il n’aura qu’une petite quinzaine de minutes pour marquer le coup. Une fenêtre particulièrement étroite. Mais pour une exposition maximale.
En 2023, Rihanna verra les recherches Google sur sa marque de cosmétique augmenter de 883 pc, après son passage au Super Bowl!
Cela n’est évidemment pas neuf. Mais depuis quelques années maintenant, le show du Super Bowl est devenu l’un des moments importants de l’année pour l’industrie musicale américaine –au même titre que les Grammys ou le festival de Coachella. Il dépasse même le simple territoire des Etats-Unis: dimanche, c’est toute la planète pop qui aura les yeux rivés sur la pelouse du Caesars Superdome de La Nouvelle-Orléans. Avec des conséquences très concrètes pour l’artiste invité.
Coup de pub
En 2017, par exemple, Lady Gaga a vu les ventes de ses albums et singles augmenter de 1.000%, selon Forbes. De la même manière, au lendemain de sa prestation en 2020, Jennifer Lopez a accueilli quelque 2,3 millions de nouveaux abonnés sur ses différents réseaux sociaux. Plus récemment, en 2023, c’est Rihanna qui a pu constater l’effet Super Bowl. Ses chiffres de streaming ont explosé durant tout le week-end entourant l’événement: plus 640 % sur Spotify –avec un pic à 2.600% (!) pour le titre Bitch Better Have My Money, ouvrant le show. Dans la foulée, la chanteuse a non seulement profité de l’occasion pour dévoiler sa grossesse, mais elle a aussi pris deux secondes de son quart d’heure sur le terrain, pour se repomponner avec une poudre de sa propre marque de cosmétique Fenty. Une belle autopromo qui fera chauffer les moteurs de recherche: + 883% sur Google pour la marque de la star (+ 3.333% pour la requête: «is Fenty safe for pregnancy»…)
L’an dernier, la légende r’n’b Usher a confirmé la puissance marketing de l’événement. La NFL –la National Football League organisant la compétition– a beau ne pas payer les artistes, les calculs sont vite faits. Au lendemain de sa prestation, Usher a ainsi vu ses chiffres de streaming bondir de 550% sur Spotify –avec une pointe à 2.000% pour son titre Caught Up… Et il n’est pas le seul à avoir investi le momentum. Apparaissant dans une publicité pour l’opérateur télécom Verizon, Beyoncé a teasé l’arrivée de son album Cowboy Carter. Quelques minutes plus tard, elle postait deux nouveaux titres sur les plateformes de streaming –son fameux Texas Hold ‘Em et 16 Carriages…
Un spectacle familial
La mi-temps du Super Bowl est ainsi devenue l’une des équations sport-musique-marketing les plus puissantes et rentables qui soient. Logique dans un pays où les compétitions sportives riment avec business, célébrant autant l’esprit de victoire que la puissance du dollar.
C’est en 1922 que la mi-temps d’un match de football américain est utilisée une première fois comme vitrine commerciale. On doit l’initiative aux Oorang Indians de LaRue, dans l’Ohio. Montée de toutes pièces par Walter Lingo, un éleveur de terriers Airedale, l’équipe est alors uniquement constituée de joueurs amérindiens. Cette année-là, plutôt que de rentrer au vestiaire pendant la pause, les footballeurs prennent l’habitude de défiler sur le terrain en promenant les chiens de leur patron. Ils mettront même au point des numéros à part entière –habillés en tenue traditionnelle, les footballeurs mimeront par exemple des scènes de chasse et autres lancers de tomahawk–, l’occasion pour les terriers de Lingo de démontrer toutes leurs capacités de fins limiers…
La publicité s’est ainsi installée dans tous les stades. Le folklore a, lui, disparu. Ou plutôt, il a changé. Lors de la toute première finale entre ce qui constituait alors deux ligues rivales, en janvier 1967, la mi-temps se contente en effet de fanfares étudiantes –celle de l’University of Arizona et du Grambling College. Avec pour avantage, en mobilisant de larges ensembles de musiciens, de pouvoir à la fois occuper une bonne partie du terrain et de ne pas avoir besoin de sonorisation trop complexe. On est encore loin des futures superproductions… Pendant de longues années, le show restera d’ailleurs limité à ces marching bands, avant d’être complété par des grands tableaux chorégraphiques. Ils seront invariablement joyeux, colorés et surtout, familiaux. L’une ou l’autre vieille gloire est bien invitée de temps en temps –comme Chubby «The Twist» Checker ou Irma Thomas, la «reine de la soul» made in New Orleans. Mais, coincés entre deux fanfares et un imitateur d’Elvis, ils ne sont pas vraiment mis en lumière.
Pétard mouillé
Les choses vont changer en 1991. Cette année-là, la mi-temps est entièrement confiée aux New Kids On The Block. Le boys band est alors au pic de sa popularité –sorti quelques mois auparavant, le single Step by Step devient leur plus gros tube. Leur venue ramène un coup de jeune et de modernité à un spectacle sportif qui avait tendance à ronronner. Tout en restant dans le cadre d’un événement tout public –c’est d’ailleurs Disney qui produit le spectacle… Problème: les Etats-Unis sont alors en pleine guerre du Golfe. Pendant la mi-temps, ABC décide de zapper la performance des NKOTB pour passer un reportage de son envoyé spécial. La première incursion du Super Bowl dans la pop finit en pétard mouillé. Il n’empêche: le pli est pris. Quand, en 1993, Michael Jackson crée l’événement au Rose Bowl de Pasadena, le rendez-vous sportif bascule dans une autre dimension.
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Les plus grands noms de la pop vont ainsi se succéder: de Madonna aux Rolling Stones, en passant par U2, Paul McCartney, Coldplay ou Springsteen. Le Super Bowl devient un nouveau passage obligé. Avec ce petit parfum d’imprévisibilité en plus, que confèrent les événements en direct –à l’instar de Prince jouant Purple Rain sous la pluie ou, évidemment le fameux «incident de garde-robe», en 2004, entre Janet Jackson et Justin Timberlake. La mi-temps du Super Bowl n’est plus seulement une magnifique vitrine publicitaire: elle peut créer des momentums pop en tant que tels, susceptibles de marquer une carrière. Jusqu’à parfois éclipser le match lui-même.
La caution Jay-Z
En 2020, le créneau change encore d’envergure. La NFL décide alors de confier la production de la mi-temps à Roc Nation, la compagnie de Jay-Z spécialisée dans l’entertainment. Une manière pour la ligue de redorer son blason après l’affaire Kaepernick –en 2016, le joueur noir met un genou à terre durant le traditionnel hymne américain, en signe de protestation contre le racisme et les violences policières. En s’offrant les services du rappeur tout-puissant, la NFL cède cependant aussi pour la première fois les rênes de sa mi-temps à un artiste, doublé d’un businessman avisé.
Avec Roc Nation aux manettes, le Super Bowl devient une véritable machine de guerre. De simple divertissement bon enfant, la mi-temps devient un show aux enjeux et moyens de plus en plus importants. Avec toujours la figure imposée de proposer un spectacle pour le plus grand nombre, certes, mais en lui donnant désormais une patine événementielle supplémentaire. Comme quand Jennifer Lopez profite de l’occasion pour mettre en avant la scène musicale latino (en 2020) ou que, deux ans plus tard, Dr. Dre, Snoop Dogg, Mary J. Blige et consorts amènent pour la première fois le rap dans une finale du Super Bowl, avec un show ultrafestif.
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En 2017, Lady Gaga est également l’une des premières à attirer plus d’audience que le match. Avec son quart d’heure spectaculaire, multipliant les références à la culture LGBT, et marqué par l’utilisation, encore inédite, de drones, la chanteuse va attirer plus de 117 millions de téléspectateurs. Et provoquer quelque 5 millions de tweets… Depuis, l’impact s’est encore démultiplié avec un contenu qui est systématiquement partagé et boosté sur le Net. Cela devrait encore être le cas avec la finale de dimanche. Dont on ne connaît pas encore les vainqueurs, mais déjà l’un des grands gagnants: Kendrick Lamar.
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