Comment le Micro Festival (Liège) plonge ses visiteurs dans l’inconnu
Pop anatolienne, variété ritale, envolées yéménites et funk indonésien… Ce week-end, le Micro Festival a surtout brillé quand il invitait au voyage.
Résister au gigantisme, au mercantilisme et à l’uniformisation n’est pas chose aisée. A fortiori dans le monde de la musique. Depuis une petite quinzaine d’années, le Micro Festival y travaille avec panache. Cultivant le sens de l’ouverture et l’esprit de la découverte. Cette année plus encore que les autres, le Micro a plongé ses visiteurs dans l’inconnu. Les a invités dans les marges. Pour tout dire, à l’image du public, on connaissait bien peu de choses au programme de cette quatorzième édition. C’est en bonne partie pour ça que tout le monde est là et en pince pour l’événement liégeois. Le repérage. Les bonnes pioches. Le travail de curation dans un océan de musique où il est devenu fort aisé de se noyer. La confiance est aveugle. Certainement pas sourde…
Si le Micro nous a déjà davantage soufflés et surpris, il a quand même tout au long de ces trois jours réservé son lot de jolies surprises. On retiendra Sacrificial Chanting Mood (avec des membres de Neighbours Burning Neighbours et Rats on Rafts dedans). Post punk, pop krauty et faux airs de Sonic Youth. La scène de Rotterdam se porte bien. Merci pour elle. Le rock «prends ça dans la tronche» de Brorlab, une espèce de Cocaine Piss flamand qui aime les boîtes à rythmes. Les déflagrations électroniques et bruitistes du batteur David Temprano alias Landrose, batteur de Cere et roadie de La Jungle (c’est moins fou que Nah mais c’est très bien quand même). Les divagations psychédéliques de la percussionniste Valentina Magaletti (Moin, Vanishing Twin, Tomaga) avec Holy Tongue. Et la musique à danser de CEL, électro erratique et ludique fabriquée en tandem par l’Allemand Felix Kubin et le batteur Hubert Zemler.
Au Micro, ce week-end, on a aussi craqué pour le post punk de Ditz qui avait déjà enflammé plus tôt cet été le festival de Dour (on se serait soit dit en passant par moments cru sur la plaine de la Machine à feu il y a 20 ans en voyant l’état avancé et amusé des festivaliers). Et on s’est laissé embarquer par Uzi Freyja, un groupe de hip hop franco-camerounais qui doit son nom à un pistolet semi automatique et à la déesse nordique de l’amour et de la fertilité.
Le rock et les guitares ont beau avoir pris beaucoup de place dans l’affiche, c’est clairement le programme plus éclectique et bariolé de dimanche qui nous a convaincus. La pop anatolienne soignée de Derya Yildirim et de Grup Simsek. Les sonorités yéménites d’El Khat (d’après le nom d’une drogue mâchée depuis des siècles au Moyen-Orient) emmené par le compositeur et musicien israélien de Tel Aviv Eyal El Wahab et le funk psychédélique indonésien de LAIR qui revisite la musique traditionnelle populaire de Pantura. On aura aussi dansé avec l’électronicienne canadienne Marie Davidson (moitié d’Essaie Pas) signée sur le label des frères Dewaele et de manière plus décomplexée sur les élucubrations de Spagguetta Orghasmmond.
Le groupe carolo tournaisien qui prône l’amour à Charleroi, reprend les Ramones et célèbre les champions cyclistes italiens (Coppi & Bartali) a mis une ambiance de zinzin. Comme le traditionnel, surréaliste, spectaculaire et sauvage concours international annuel de chaises musicales… Parce que le Micro, quatorze ans et encore toutes ses dents, c’est avant tout un état d’esprit, une ambiance, une fête (qui a dit beuverie?).
Cette année, le site du festival a été agrandi sans que les organisateurs n’augmentent leur jauge. Et si le prix des tickets est passé un peu soudainement de 66 à 80 euros, ça reste indubitablement démocratique pour trois jours de musique et de découvertes. L’idée y a toujours été de rémunérer chacun à sa juste valeur. On se fixe déjà rendez-vous à l’année prochaine.
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