Comment le Dour Festival construit son affiche gargantuesque: « Il s’agit de ménager les susceptibilités »
Dans un été des festivals où la concurrence est rude, il s’agit de se distinguer pour exister. Et d’arriver à bien communiquer. Surtout quand, comme à Dour, l’affiche est aussi longue que variée. Quels groupes mettre en avant? De quelle manière? Explications avec son programmateur, Mathieu Fonsny.
C’est (bientôt) reparti! Du 17 au 21 juillet prochains, l’un des plus gros rassemblements de l’été va à nouveau prendre ses quartiers à Dour. Fidèle à sa réputation, le célèbre festival va dérouler une programmation ultra-riche, mixant gros noms et formations émergentes. Un menu copieux, gargantuesque même. Il rassemblera plus de 230 artistes, pendant 5 jours, répartis sur pas moins de huit scènes. Et ce, pour quasi autant de genres différents: rock, pop, rap, electro, chanson, reggae, punk, etc. Une fameuse bamboche qui implique une organisation au cordeau. Et une communication millimétrée. Notamment dans les visuels qui sont placardés un peu partout dans le pays. C’est que la manière de présenter l’affiche peut vite devenir aussi délicate que la confection d’un plan de table de mariage ou celui d’un banquet royal…“Il s’agit de ménager les susceptibilités…”, confirme Mathieu Fonsny, programmateur du Dour Festival.
Comme chaque année, un nouveau logo a été imaginé. “Mais cette fois, il a fait l’objet d’un concours.” Il se trouve que c’est un Dourois, Romain Bournonville, étudiant à l’Académie des Beaux-Arts de Tournai qui l’a remporté. “On ne l’a pas fait exprès. Mais tant mieux, cela permet de revenir à des valeurs locales, de favoriser un travail de proximité.” Même chose pour la charte graphique conçue par Mélissa Henniquiau, également de Dour. “C’est sur base de ces deux éléments, le logo et la charte, que l’on se met à dessiner l’affiche. Avec la volonté cette année d’être dans le less is more, de proposer quelque chose de très épuré et contemporain.”
Dour sur mesure
À partir de là, démarre le casse-tête. Le plus simple serait évidemment d’aligner tous les noms, dans la même taille de police, de manière alphabétique. Mais visuellement, difficile d’imaginer quelque chose de très impactant. Il faut donc à un moment trancher, créer des variations, imaginer des hiérarchies. En un mot, pratiquer le “billing”: l’art de construire une affiche, en déterminant notamment “l’importance” de chaque artiste. “À l’instar de l’horaire ou des clauses d’exclusivité, c’est un vrai levier de négociation. Certains préfèrent par exemple qu’on les remonte dans le line-up plutôt qu’un cachet plus conséquent. Dans tous les cas, la place de chacun est soumise à validation.”
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À Dour, on distingue ainsi trois “paquets”: les têtes d’affiche, ou headliners; les middle-liners; et les groupes en développement. Chaque paquet étant déroulé de A à Z. “Ce qui ne règle pas tout. Que faire par exemple des groupes dont le nom est un chiffre (comme par exemple, cette année, le duo de DJ italien, 999999999, NDLR)? Ou des formations en The, comme The Blessed Madonna, qui a demandé à être rangée sous la lettre B plutôt que T?”
Cela étant dit, le véritable enjeu est ailleurs. Selon quels critères ranger tel artiste? Dans quelle “poule” le classer? Là encore, rien n’est jamais tout à fait simple. “On pourrait par exemple se dire que la première catégorie est constituée essentiellement des artistes qui clôturent la main stage (scène principale, NDLR), ainsi que les deux autres groupes qui les précèdent. On parle cette année de Justice, Ice Spice, Rema, etc. Mais c’est un peu réducteur. Dans la Balzaal par exemple (l’énorme scène consacrée à la musique techno, NDLR), on a aussi des très “gros” noms. Même chose pour un groupe comme The Libertines. Pour nous, il reste une tête d’affiche, même s’ils sont programmés dans la Petite maison dans la prairie.”
Coups de coeur
Le choix ne dépend donc pas que de la renommée ou du nombre de followers. C’est aussi une question de subjectivité. “Ce qui nous permet aussi par exemple de mettre un peu plus en avant des propositions qui nous tiennent à cœur. Je ne suis pas certain que le B2B entre Paula Temple et SNTS, prévu sur la Balzaal, le mercredi soir, se serait retrouvé avec les têtes d’affiche dans un autre festival que Dour, par exemple.”
À l’inverse, il faut parfois expliquer à certains artistes que leur nom ne parle pas toujours au-delà de leur sphère musicale de référence. Surtout dans un festival comme Dour, qui, depuis le début, a pris un malin plaisir à multiplier les styles et les scènes. “C’est aussi pour cela que l’on a développé des visuels spécifiques. On a par exemple demandé à Elzo Durt (illustrateur bruxellois bien connu, notamment pour ses pochettes pour le label parisien Born Bad, NDLR) d’imaginer une affiche pour la programmation rock. Même chose pour le hip-hop, le dubstep ou le reggae. S’il jette un œil distrait à l’affiche, un amateur de reggae, par exemple, ne se rendra pas tout de suite compte qu’il y a matière.” Encore et toujours, à chacun son Dour.
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