Avec son nouvel album Little Death Wishes, CocoRosie vous souhaite ses meilleurs vœux

CocoRosie sort Little Death Wishes, le huitième album des sœurs Casady.
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Avec Little Death Wishes, son premier album en cinq ans, CocoRosie trouve l’équilibre entre bizarrerie et mainstream.

«Désolée pour le retard. On a eu un problème avec le lien de la réunion.» Bianca est au Texas. Elle prend le soleil à l’intérieur, allongée sur le ventre. Face caméra et dos à une porte-fenêtre ouverte. Sierra, pour le coup en Californie, arrive plus tard. Papillonne. Va et vient sans prévenir. Alors que sort le huitième CocoRosie, les frangines Casady qui ont fêté l’an dernier les 20 ans de La Maison de mon rêve parlent de l’évolution de la société, de leur éducation peu conventionnelle, d’ouverture d’esprit et de magie. Abracadabra.

Que vous inspire l’état actuel de la planète?

Bianca: On a toujours été des outsiders. Du moins, on a toujours essayé de rester hors du système autant que possible. Je ne sais pas. Honnêtement, je suis passionnée par le chaos et la destruction. Et je suis curieuse de voir où l’on va. On a parlé d’harmonisation, de décolonisation. Mais rien ne s’est jamais fondamentalement produit. Beaucoup de pays ont toujours basé leur économie sur l’extraction et l’exploitation. Certaines politiques sont plus dures, mais je garde le sentiment que tout est juste plus ouvertement exposé qu’avant. C’est un bon début pour un réel changement.

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Sierra: Moi, j’essaie de rester à l’extérieur de tout ça. Lire les journaux et regarder la télé, c’est déjà trop pour moi.

Comment avez-vous jeté les bases de ce nouvel album?

Bianca: Quand on s’est réunies pour bosser sur ce disque, on avait été séparées pendant deux ans par la pandémie. J’étais en France. Très isolée. J’y suis restée illégalement. Sans visa. Et j’ai été fortement perturbée par ce qu’il se passait dans le monde. J’ai fait des recherches et je me suis intéressée à l’histoire presque pour la première fois. J’ai été obsédée par la Seconde Guerre mondiale. J’avais le sentiment qu’on entamait la troisième. C’était peut-être le cas, même si elle n’a jamais été officiellement déclarée. C’est là que se promenaient mes pensées. Quand on s’est retrouvées, on a bossé sur la chanson Witch Hunt, sortie en single (NDLR: une espèce d’état des lieux de tout ce qui va mal dans la société). Le point de départ du disque me semble donc très politique. Ce qui était un challenge pour nous. Mais dès qu’on a travaillé plus en détail sur les chansons, les choses ont changé. Elles sont devenues plus personnelles. Je dis souvent aux gens qu’en matière de créativité, trouver un point de départ est le plus important. Ça ne doit pas nécessairement être une bonne idée. Ou ce que tu vas finalement faire. Au début, on avait des batteries pleines de reverb. Une humeur eighties gothique. Puis on est parties totalement ailleurs. Vers le hip-hop, le funk. On a ajouté plein de couleurs différentes.

Vous avez toujours mélangé beaucoup de cultures et de genres différents…

Bianca: C’est sûr. On est dans une démarche de collage. De mélange. Mais aussi de musiques découvertes, d’utilisation d’objets trouvés. On n’est pas très protectrices quand on commence à bosser sur une chanson. On trouve un tempo. Quasi sans réfléchir. Ça signifie que quelque chose prend vie et on le suit. On se met à sculpter, à modifier. Notre musique a beaucoup changé à cause des ordinateurs. Je suis sûre qu’on reviendra à l’analogique. Qu’on se fixera de nouvelles restrictions. Il est très clair pour moi que la technologie influence notre approche.

D’où vous vient cette ouverture d’esprit? Vous n’avez pas eu une éducation très traditionnelle…

Bianca: La mienne est encore plus particulière que celle de ma sœur. J’ai appris à lire très jeune et je ne suis quasiment pas allée à l’école. Je n’y ai rien appris. Ma mère, qui était prof, a soutenu l’idée que je n’avais pas besoin d’y aller. La mentalité de nos parents était parfois très antisystème. On le contournait autant que possible. Vers mes 17 ans, j’ai bougé à New York. J’ai découvert une scène de performance poétique à laquelle je n’appartenais pas vraiment. Puis je me suis mise à enregistrer des musiciens dans le métro et à mélanger tout ça avec de la poésie. Je n’ai rien calculé. Ma sœur a intégré une école de musique qu’elle n’a pas terminée. Elle a tout laissé tomber pour monter CocoRosie avec moi. Parce que ça parlait à son âme. Je pense qu’on a été exposées à beaucoup de choses. Des musées, notamment. Dès notre plus jeune âge. Ça a toujours élargi nos horizons.

«En studio, on crée volontairement des situations hors de notre contrôle.»

Que penses-tu du système scolaire?

Bianca: Je ne sais pas. Ça me semble déjà terrible de faire s’asseoir des enfants sur une chaise comme point de départ. C’est l’opposé de leur nature. Et puis, tu as souvent comme professeur des adultes peu inspirés. J’ai échappé à tout ça. Je n’ai même jamais écrit de dissertation. Je n’ai pas cette espèce de structure qu’on t’impose. Je me sens chanceuse. Je n’ai pas eu à détricoter quoi que ce soit. On travaille parfois avec des musiciens qui ont une éducation musicale très poussée et il est rare qu’ils aient la capacité de créer. Ils ne croient pas en eux. Ils n’ont pas leur propre voix. Je dirais que ça n’a jamais été un problème pour nous.

Quelle est l’origine du titre de l’album Little Death Wishes? Une référence à l’orgasme?

Bianca: Sierra, tu as entendu parler de ce que les gens en français appellent «la petite mort»? Il y a différentes manières de voir ce titre. Il est en mouvement. Mais il y a un hédonisme dans notre société consumériste qui nous met en danger. La poursuite de satisfactions et de désirs immédiats mènent à la destruction de notre environnement et de nos corps.

La magie est une dimension fondamentale dans l’univers de CocoRosie. D’où vous vient-elle? Du bricolage? De votre onirisme?

Bianca: C’est une partie du secret. On ne sait pas mettre le doigt dessus non plus. Ma magie vient sans doute du chaos. Mais celle de Sierra (qui sort un piano jouet d’on ne sait où) est différente. Elle permet de l’organiser. En studio, on crée volontairement des situations hors de notre contrôle. On joue avec la technologie. On s’y perd intentionnellement. On s’autorise beaucoup de situations accidentelles. On leur laisse l’opportunité d’exister et si elles résonnent en nous, on les suit. J’ai beaucoup réfléchi à mon rapport à la magie. J’essaie de prendre davantage les choses en main. Parce que j’ai longtemps eu l’impression de les laisser aller au gré du vent.

CocoRosie: Little Death Wishes

Distribué par Joyful Noise.

La cote de Focus: 3,5/5

Le 24 mai à l’Aéronef, à Lille, et le 11 juin à De Roma, à Anvers.

Les années passent. Filent même. Et CocoRosie continue de rester cette drôle d’anomalie dans le ciel aujourd’hui moyennement étoilé de la pop music. Sur leur premier album pour le label Joyful Noise inspiré par quelques déceptions amoureuses, Bianca et Sierra racontent les femmes, les réalités brisées de leurs vies et de leurs cœurs. La nature précaire et précieuse d’être humain. Les sœurs Casady ont invité le batteur de Deerhoof, Greg Saunier, et Chance the Rapper déjà présent sur le dernier en date, l’inégal Put The Shine On (cinq ans déjà), pour mettre en boîte ces douze chansons magiques et modernes aux charmes aussi étranges qu’accessibles. Un disque grand public. Une collection jouette et fédératrice de comptines pour grands enfants.

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