Christine, queen en son palais

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Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Sous la pluie, à l’ombre du palais royal, la Française a offert un premier feu d’artifice au BSF.

Il y a toujours eu quelque chose d’un peu décalé, limite gênant, dans les interventions de Christine & The Queens sur scène. Une manière de prendre la parole entre les morceaux qui peut paraître surjouée, légèrement agaçante. A à la fois chaleureuse, proche de son public (qu’elle tutoie), Héloïse Letissier est aussi théâtrale, et hâbleuse, telle une comédienne de stand-up. On peut y voir une manière de se protéger, de glisser un peu de second degré pour dégoupiller toute idôlatrie excessive, voire de s’excuser de ses propres excentricités, allez savoir. Est-ce que tout ça est bien sérieux, semble se demander alors celle qui est devenue non seulement une star, mais également l’un des « produits » français qui fonctionnent le mieux à l’export (elle était encore récemment l’une des têtes d’affiche du festival de Glastonbury) ? Est-ce qu’à force d’imiter ses idoles dans le miroir, elle aurait donc vraiment fini par passer, elle aussi, de l’autre côté ?

C’était particulièrement frappant sur la scène du BSF, ce mercredi soir. En ouvrant son concert avec Comme si on s’aimait et, surtout, Damn, dis-moi, Christine & The Queens enfile sa tenue favorite de copycat de Michael Jackson, ce weirdo ultime. Tout est là : les chaussettes blanches sur pantalon noir trop court, la chemise rouge (http://michaeljacksonstyle.blogspot.com/2009/09/michael-and-his-love-for-red-shirts.html), toute la grammaire chorégraphique du king of pop, et même les feux d’artifice sur scène. On est dans l’hommage, la fan attitude (voire le sosie https://youtu.be/4i_L0P3OBFE), tellement assumée et revendiquée, qu’on ne peut que s’incliner : en maîtresse de cérémonie light-funk, « Chris » assure.

Au début du concert, elle annonce encore : le concert est surtout l’occasion de créer un « safe space », un espace où l’on peut se sentir en sécurité. Ce qui est loin d’être un luxe dans une société de plus en plus à cran, on l’admettra. Parfois, on aimerait toutefois qu’il le soit justement un peu moins, musicalement parlant, que l’intéressée pousse le bouchon un peu plus loin – comme elle le fait par exemple sur L’étranger et ses notes de « clavecin » synthétique. Le pari est en fait ailleurs. Notamment dans celui de proposer au (grand) public qui est venu la voir, un flou artistique plus détonant qu’il y paraît, raccord avec des questions, politiques celles-là, plus larges : sur les identités, les sexualités, la tolérance, etc (entre deux morceaux, elle glisse par exemple un extrait du documentaire expérimental, Tongues United https://youtu.be/tWuPLxMBjM8?t=129).

Entouré la plupart du temps de ses danseurs, et d’un groupe aussi discret qu’efficace, Christine & The Queens se frotte à la chanson, glisse volontiers dans la variété, cite à la fois Travis Scott (https://youtu.be/6ONRf7h3Mdk?t=61) et Céline Dion (argh), envoie quelques notes de Janet Jackson (https://www.youtube.com/watch?v=9zoA0L2u-JQ) dans Follarse, avant de conclure en égérie house avec Intranquillité (un des inédits de Chaleur humaine) C’est beaucoup à la fois – sans doute un peu trop, quand on n’a encore que deux albums à son compte, et pas toujours toutes les chansons à hauteur de cette boulimie. Mais malgré un léger flottement à mi-parcours, et sous la drache bruxelloise, Christine et ses Queens n’a pas eu trop de mal à faire briller sa couronne. Touché, touché, touché

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