BSF jour 4 : virtuosité
Dans des genres contrastés, Glass Museum et Jasper Steverlinck, ont fait décoller le Mont des Arts.
Sur la Place des Palais, sur le coup de 20H45, Calexico bordé d’un grand sigle à son nom en fond de scène, démarre sur les chapeaux de roue, ou plutôt en sombrero roulant vu le fuel tex-mex de son americana. Un tiers de jauge à peine sur la vaste agora royale pour le concert du groupe US dont le dernier album, The Thread That Keeps Us, est paru en début d’année : il le sert avec un choix un peu rêche de chansons, dont la pulsation Dead In The Water, délaissant les sépulcrales ballades voyageuses, en tout cas en début de set. Qu’on abandonne pour filer au Mont des Arts voir Jasper Steverlinck ayant débuté à la même heure que Calexico : sept-huit minutes pour y arriver depuis le VIP de la Place des Palais, qui ressemble à toutes les zones Very Important Persons : davantage conciliabule de cadres en Weston que symposium de freaks rock. Cette dernière expression étant d’ailleurs déclarée désuète depuis 1974.
Justement, Steverlinck a la tête christique à crollebiches en vogue ces années-là, alors que sa musique lorgne davantage vers la pop baroque, improbable synthèse rejetone de Purcell et de Leonard Cohen. Ceci dit, la voix du gantois de 1976 est plutôt mercurienne (catégorie Freddie), ce qui en fait déjà un drone narguant 99% des autres chanteurs belges. Récompensé d’un disque d’or l’après-midi même, pour son album Night Prayer, Jasper en dissèque l’essentiel des morceaux, y compris ceux de la ressortie avec CD bonus où il reprend des flamands étanches au radar francophone -The Dinky Toys, Niels Destadsbader- mais aussi le sublime This House Is Empty Now co-signée par Elvis Costello et Burt Bacharach. Le tout, accompagné au BSF, d’un pianiste et d’un quatuor à cordes qui servent de canapé moelleux au Champagne vocal. C’est beau comme du Bach électrique, même si le public du Mont des Arts, à moitié rempli, caquette passé le quinzième rang. C’est aussi le genre de concert où l’élévation spirituelle de l’interprète (…) utilise modérément la sono, histoire peut-être de distinguer le voltage émotionnel de la simple puissance électrique.
Au même endroit, en début de soirée, le duo belge Glass Museum, rameute les spectateurs au fur et à mesure : à gauche, Antoine assis devant son clavier Nord Stage 2 et trois mètres face à lui, arrimé derrière une batterie et son Roland à effets, Martin. Le troisième acteur : des panneaux suspendus composés de miroirs amovibles. Pas forcément le plus visuel des trois, vu l’immersion totale des deux jeunes wallons -nés en 1993 et 1995- dans leur jazz aux excroissances électroniques. Exclusivement instrumentale, la musique est fidèle au premier album paru il y a quelques mois, Deux, mais amplifiée par l’implication physique des duettistes. Le concert joue d’une sarabande sonore volontiers déconcertante -comme ces grosses basses mugissant tout-à-coup du clavier d’Antoine- et d’un festival de regards millémétrés, syndrome d’une fusion complice entre musiciens. C’est à la fois narratif et hautement sensitif, technique -ces types savent jouer- mais non-démonstratif. Y compris lorsque Pierre Sparato vient claquer son saxophone sur deux titres, guest bohémien d’une virtuose musique voyageuse, voire cosmique…
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