Album - Nini
Artiste - Bonnie Banane
Genre - POP
Label - Péché Mignon
Critique - L.H.
Sur son deuxième album, la Française Bonnie Banane mélange r’n’b espiègle et funk décalé, Brigitte Fontaine et Erykah Badu. Nini d’amour.
Bon, fini de rire. Il va falloir, une bonne fois pour toute, arrêter de résumer Bonnie Banane à la figure d’ovni -ce qu’elle est, certes, mais ne la résume pas. Arrêter de ranger la chanteuse au rayon d’outsider magnifique, pour lui octroyer la place qui lui est dûe: tout en haut de la pop française. Pour preuve, son deuxième album, Nini. Un mélange funk-jazz-r’n’b décalé qui prend un malin plaisir à ne pas viser droit, tout en touchant immanquablement la cible.
Il faut dire que, cette image d’électron libre, Bonnie Banane l’a elle-même volontiers cultivée. D’abord en refusant de se presser, à contre-courant du rythme frénétique de la hype. Elle qui a pu se présenter comme le plus court chemin entre André Rieu et Aaliyah (…) a sorti son premier EP dès 2012. Mais n’a publié son premier album qu’en 2020 -l’excellent Sexy Planet… Elle a aussi passé pas mal de temps à collaborer avec d’autres: du producteur Myth Syzer à Chassol, en passant par Jazzy Bazz, Sabrina Bellaouel, Varnish la Piscine, Chilly Gonzales, Flavien Berger, etc.
La gourmandise de Bonnie Banane
Pendant longtemps, on a d’ailleurs cru Bonnie Banane limitée à son rôle d’invitée de luxe, trop dilettante que pour se lancer dans un effort perso au long cours. Trop curieuse aussi que pour se limiter à une discipline. Arrivée de Bretagne à Paris, la diplômée du Conservatoire national supérieur d’art dramatique a ainsi joué dans des films de Bertrand Bonello (L’Apollonide, Saint–Laurent), Valérie Donzelli (Marguerite & Julien), ou dans la série Netflix Mortel. Dispersée, Bonnie Banane? On dira plutôt gourmande et inclassable.
Cet éclectisme, Bonnie Banane n’est pas près de le lâcher. Il est toujours là, bien présent sur Nini, composé avec Janoya et Monomite. Un deuxième album auquel la trentenaire avait donné pour titre de travail Joie intense, tristesse profonde et angoisse mondiale… Ce mélange d’émotions en forme de montagnes russes se retrouve dans le foisonnement musical du propos. De la soul psyché de Hoes of Na au phrasé jazz-samba de Sacha, en passant par la réjouissante charge punky-yéyé de Franchement, mêlant angoisse climatique –« Y a tellement de voitures/De mauvaise nourriture/Je préfère être seule/Qu’être en face de vos gueules »– et joyeuse invective anti-réac -« Fuck Valeurs Actuelles! ». De son côté, l’irrésistible funk prémenstruel de PMS (« Where’s my hormones at? ») évoque une version veloutée de Roisin Murphy, autre franc-tireuse, adepte d’une certaine théâtralité scénique.
La source Fontaine
Biberonnée aux musiques (noires) américaines, Bonnie Banane s’abreuve toujours à la source (Brigitte) Fontaine. Elle y trouve la pointe de folie douce, saupoudrée ici et là. Jusque dans le récit de ses amours contrariées. « Ouvre les yeux/Qu’est-ce que tu vois?/Est-ce ma cerise sur ton gâteau/Ou mon pied dans le plat? », s’énerve-t-elle sur Hop-là!
« Quelque part je t’aime », susurre-t-elle, troublée, sur Instant Karma, tandis que The Nap Song baisse la garde, assemblage subtil de retenue et d’abandon. Avec toujours cette voix saisissante. Un mélange d’autorité et d’espièglerie, de mise à nu et de second degré. Nini brin d’acier. ●
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici