Bétøn, un « orchestre électro » bruxellois
Depuis quelques mois, Bétøn rassemble plusieurs musiciens venus du collectif électro FTRSND (Future Sound) autour de projets souvent originaux. Dix artistes du groupe ouvriront le Brussels Electronic Marathon ce vendredi, en y interprétant le morceau In C de Terry Riley. A l’occasion de cette première particulière, nous avons rencontré Martin Mereau, Brice Deloose et Andri Søren Haflidason, qui font tous les trois partie de l’aventure.
Pourquoi avoir créé Bétøn?
Brice Deloose: J’ai rejoint Maxime Delclef, un autre membre de FTRSND, et Andri pour lancer ce projet un peu hybride parce que nous avions envie de donner des performances entre live et DJ set déjà existants. Nous nous sommes produits au Bozar avec TEDx et au musée MIMA aussi. Beaucoup de musiciens ont répondu positivement à cette énergie, cette envie de ne pas avoir une seule esthétique mais d’être polyvalents en termes de style. L’idée est de brosser un panel vaste avec deux, cinq voire dix artistes comme c’est le cas pour In C. Pour décrire Bétøn, je pense que les termes les plus appropriés seraient flexible, modulable, représentatif d’un aspect communautaire très fort. L’envie est aussi venue parce qu’on en avait un peu marre du Web. On souhaitait lancer un projet sans être visible nulle part et prendre le contrepied de cette hyper-présence en ligne.
Andri Søren Haflidason: Quant au nom Bétøn, il est venu parce qu’on aimait l’idée de quelque chose qui en mélange d’autres. J’ai été architecte pendant six ans donc c’est venu comme ça, en discutant avec Maxime. On avait envie de mixer le « é » qui est assez caractéristique du français et du latin, et le « ø », typiquement scandinave. Cela illustre aussi la frontière entre nord et sud.
Vous avez choisi le morceau In C pour le Brussels Electronic Marathon. Pourquoi?
Martin Mereau: In C de Terry Riley est une pièce fondatrice de la musique répétitive, donc également de la musique électro en quelque sorte. François Gaspard, un autre membre de FTRSND a amené l’idée et elle nous a plu. C’est un morceau qui sera toujours différent à chaque fois, on entend rarement deux fois la même chose en l’écoutant. Il nécessite aussi de suivre beaucoup de règles, cela pose donc des questions sur le processus de composition.
Brice Deloose: On souhaitait aussi pousser le collectif dans des recoins non explorés et faire tomber les préjugés. In C nous permet de toucher deux univers, entre électronique et classique, puisqu’il a été composé en 1964. On montre que des passerelles existent entre les deux, il y a une optique pédagogique dans un sens. Et comme le morceau est un peu connu, il touche davantage le public.
Comment allez-vous vous le réapproprier de manière électro?
Martin Mereau: C’est un challenge. In C offre à la fois une liberté totale et un cadre à respecter, avec plusieurs séquences bien spécifiées qui se répondent. Mais les possibilités sonores sont multiples. La difficulté majeure, c’est le fait qu’on soit dix, puisque parfois on ne sait plus qui joue quoi! On utilise donc un logiciel qui nous permet de savoir où chacun d’entre nous se situe dans la partition. La durée du morceau est libre, mais nous on tiendra probablement entre 45 minutes et une heure.
Brice Deloose: L’idée est de recréer de l’espace, et d’apprendre l’humilité avec l’importance des silences, qui vaut autant que le son. La clé, c’est le dialogue. En communiquant ensemble, on peut aussi improviser, et c’est ça qui est chouette. On change l’approche classique du morceau en dirigeant la tension différemment. Là où un musicien traditionnel qui le jouerait seul est bloqué dans un seul timbre, le sien, Bétøn permet le voyage, l’évolution. On fait vivre le morceau en se l’appropriant. Je pense que c’est la première fois que In C sera interprété de cette façon-là. On joue avec l’espace, et l’acoustique de Flagey qui permet une réverbération.
Andri Søren Haflidason: Le tout sera accompagné de différents visuels, qui montrent au public quel joueur joue quelle séquence. Ce sera plus didactique que festif puisqu’on n’utilisera pas de visuels électro qui captent l’attention habituellement. Il y aura plusieurs possibilités avec des intentions différentes.
Comment arrivez-vous à mélanger les particularités de chaque musicien?
Brice Deloose: On les découvre au fur et à mesure, et on essaie alors de répartir les timbres. Un peu comme un peintre qui ajouterait du sable ou du charbon à une oeuvre pour avoir du relief. Deux milieux se rencontrent: le classique et l’électro. On est tous issus d’une formation classique, on peut lire une partition et on a l’habitude d’être en formation à plusieurs. Mais le défi est quand même de beaucoup s’écouter pour jouer ensemble.
Martin Mereau: Par exemple, Andri s’occupe davantage des basses, Brice gère les textures sonores et secoue un peu le cocotier si besoin, et moi j’amène des percussions. On ne compose pas uniquement avec des machines électro, il y a une partie humaine supplémentaire avec d’autres instruments. C’est un melting pot, un véritable orchestre électronique. Et c’est seulement le début de l’histoire Bétøn, d’autres projets sont à venir!
Salammbô Marie
>>Brussels Electronic Marathon, du 13 au 15/10. www.bem.brussels
>> Soirée d’ouverture, le vendredi 13 octobre à Flagey, Place Sainte-Croix à 1050 Ixelles. Avec Bétøn qui interprétera In C de Terry Riley et Fennesz & Lillevan. Plus d’infos.
>>Focus + Bulex Party, le samedi 14 octobre à la Galerie Horta, rue Marché aux Herbes 116, à 1000 Bruxelles. Avec DJ Pone, Highbloo, Jumo… Plus d’infos.
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