Benny Sings met la pop à l’heure d’été
Depuis Amsterdam, Benny Sings peaufine une pop solaire léchée. Un vrai clown triste, adepte des mélodies absurdement feel good, auxquelles carbure son récent album Young Hearts.
Mettez-vous à l’aise, prenez un cocktail au bar de la piscine, profitez du coucher de soleil: Benny Sings s’occupe du reste. Son nouvel album, Young Hearts, fait dans la sunny pop, le r’n’b feelgood et les harmonies cajolantes. Cool. En pleine sinistrose générale, c’est toujours ça de pris. Bon, on sait aussi depuis Brian Wilson (The Beach Boys) et Donald Fagen (Steely Dan) que les chansons les plus solaires cachent souvent les esprits les plus anxieux. Benny Sings, certes, mais Tim van Berkestijn, de son vrai nom, est plus taciturne.
Sa musique a beau évoquer une virée le long des plages californiennes, c’est sous une pluie batave que le Néerlandais a d’ailleurs décidé de tourner la courte vidéo (noir et blanc!) qui sert de trailer à son nouvel album. En mode Droopy, il se balade le long des canaux amstellodamois, ruminant par exemple: “Je suis ce genre de mec qui veut s’ennuyer”.
Pour lui donner la réplique, entre deux silences lunaires, l’Américain Kenny Beats. Celui que Pitchfork a surnommé un jour le “Rick Rubin de la génération Z” a travaillé avec des rappeurs comme Vince Staples, Denzel Curry, Freddie Gibbs, mais aussi FKA Twigs ou les rockeurs anglais d’Idles. Et donc Benny Sings en produisant Young Hearts. Benny Sings explique: “Il m’avait envoyé un message via Instagram pour me demander si je ne voulais pas qu’on bosse ensemble. Quand on a fini par s’appeler, la discussion a été tout de suite très chouette. Mais aussi un peu perturbante. Je lui ai expliqué que je voulais que mon album sonne plus “big”. Je ne parle pas forcément en termes de succès commercial. Mais j’avais envie d’atteindre plus de gens. Quand je lui en ai parlé, il m’a tout de suite dit: “Pas de problème, je peux faire ça pour toi.” Il ne m’a pas déçu.”
Ligne claire
À 45 ans, Tim van Berkestijn n’est plus vraiment un nouveau venu. Mais jusqu’il y a quelques années, la notoriété de Benny Sings restait limitée. “J’ai sorti mon premier album en 2003. Je n’ai jamais vendu beaucoup. Mais les quelques disques que je réussissais à écouler avaient tendance à atterrir dans les mains d’étudiants, ou de jeunes aspirants musiciens, qui, par la suite, sont parfois devenus des pointures.” Des stars comme Anderson Paak. ou Frank Ocean ont ainsi inclus des morceaux de Benny Sings dans leur playlist, et sur son album précédent, le Néerlandais a pu compter sur des collaborations avec Mac DeMarco ou Tom Misch.
Une jolie revanche pour celui qui a longtemps navigué à la marge. “Ado dans les années 90, j’étais déjà décalé. J’écoutais de la pop mainstream, du funk, du hip-hop, alors que tout le monde était dans le grunge. C’était soi-disant la musique rebelle, alors que tout le monde rentrait dans le moule.” Plus tard, Tim van Berkestijn étudiera l’économie. “Mais la musique m’a toujours semblé la solution la plus réaliste.” Plus qu’un emploi de gestionnaire financier dans une grosse boîte? “J’ai essayé, mais je ne me faisais pas à la vie de bureau. Je ne comprenais pas comment je devais me comporter.” À l’époque, il doit aussi affronter un stress post-traumatique suite à un bad trip sous LSD et composer avec la dépression de sa mère.
Loser magnifique
Plus que jamais, la musique va donc servir de refuge. En privilégiant une certaine “ligne claire”, adepte de la mélodie solaire qui attrape directement l’oreille. Ce qui n’est pas toujours une tâche évidente. “Quand je bosse avec d’autres, je dois souvent prendre du temps pour expliquer les choses. ça rend parfois le processus très laborieux. C’est pour ça que c’était si agréable de bosser avec Kenny Beats. Il a directement saisi ce que je cherche dans ma musique.” C’est-à-dire? “J’essaie de rester simple. Les grands albums concepts à message, par exemple, ne m’intéressent pas vraiment. Et soyons honnête, je ne pense pas non plus avoir les ressources nécessaires pour y arriver” (sourire).
Comme il le répète dans le trailer mentionné plus haut, le but est donc de pondre la plus belle chanson du monde. Ou plutôt de la tenter, étant entendu que la perfection est souvent aussi belle que rasoir. C’est sans doute pour cela aussi que Benny Sings a un tel faible pour le yacht rock. “Ou la blue-eyed soul. Dans les deux cas, ce sont des jeunes Blancs qui essaient de faire de la musique noire. Ce qui est forcément voué à l’échec, mais c’est aussi ce que je trouve intéressant. Ce côté loser, anti-héros magnifique…”
Benny Sings, Young Hearts (7), distribué par Stones Throw.
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