Baxter Dury, le Droopy de la pop britannique, fait de la musique à danser, et c’est plutôt réussi!

Baxter Dury, le dandy du dancefloor. © TOM BEARD
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Baxter Dury, le dandy décalé de la pop britannique, a embauché Paul Epworth (Adele, Rihanna, Bloc Party…) et embrasse avec Allbarone ses penchants électroniques.

Baxter DuryAllbarone

Distribué par Heavenly Recordings/Pias. Le 25 novembre à l’AB, à Bruxelles, et le 26 novembre à l’Aéronef, à Lille.

La cote de Focus: 3,5/5

«Get on your dancing shoes, comme le recommandaient jadis les Arctic Monkeys. Baxter Dury, enfant du Sex & Drugs & Rock & Roll entre en piste et file sur le dancefloor avec un neuvième album qui donne envie de se trémousser sous la boule à facettes. Disco (punk), électro (clash), no wave, nu rave… Concocté en étroite collaboration avec le producteur à succès Paul Epworth (FKA Twigs, Florence + The Machine, Lorde…), Allbarone envoie le dandy de la pop britannique en orbite autour de la cabine de DJ. Il y a du DFA (le label de James LCD Soundsystem Murphy), du CSS, du Pet Shop Boys, du Charli XCX et plein d’autres choses remuantes sur les neufs nouveaux titres du Londonien. Mais aussi des éléments qui ont forgé son identité. Son humour, son phrasé nonchalant et ses choeurs féminins, majoritairement assurés par la Française Fabienne Débarre du groupe Evergreen. Une réinvention bienvenue

«Ce que j’ai dans le dos? Des livres que je n’ai jamais lus et quelques disques que je n’ai jamais écoutés.» Baxter Dury a le sens de l’humour et un sourire malicieux qui lui chiffonne en permanence le coin des lèvres. Après une gentille chasse à l’homme et un rendez-vous manqué à cause des balbutiements du progrès, Baxter «zoome» depuis chez lui pour causer de son neuvième et nouvel album. La bestiole a été fabriquée en compagnie de Paul Epworth, producteur de stars croisé, entre autres, au chevet de Lana Del Rey, U2, Adele ou encore Paul McCartney. «On s’est rencontré grâce à des connaissances communes et, à l’occasion, on buvait une bière ensemble, mais on n’avait pas encore noué une profonde amitié comme c’est le cas aujourd’hui,» avoue le musicien.

Epworth a commencé par approcher le dandy à Glastonbury. «Paul a décidé davantage que moi de cette collaboration. Il a l’embarras du choix. Beaucoup de gens veulent travailler avec lui. Mais je pense qu’il était quelque peu frustré, qu’il souffrait, d’une certaine façon, de son succès. Qu’il voulait trouver quelqu’un avec qui expérimenter. Paul n’avait plus produit d’album depuis cinq ans. Comme on était potes, j’imagine que cette association faisait sens pour lui. C’était une porte d’entrée intéressante pour un retour aux affaires avec quelque chose qu’il pourrait contrôler et qui réellement lui plairait.»

«J’ai donné vie à une version naïve, la mienne, de la musique à danser.»

Derrière son nom, Allbarone (prononcez Albaroni), inspiré par une chaîne britannique de bars à cocktails, brunchs et tapas, se cache  le disque le plus moderne, électronique et dansant du Londonien. Puis aussi un single qu’il s’en est allé clipper en costard et pagode sur les canaux vénitiens. «Je voulais que mon album et ma musique aillent plus vite. Que mes chansons soient plus rapides pour exercer davantage d’effet sur le public. En réalité, j’ai donné vie à une version naïve, la mienne, de la musique à danser. Je m’en fous de savoir si c’est correct. D’ailleurs, je n’y connais pas grand-chose. Je ne pourrais pas expliquer la différence entre la house et la techno… Mais je n’ai pas cherché à m’approprier un genre que je ne comprends pas. J’ai juste voulu accélérer la cadence. C’est un peu frustrant, parfois, en concert de jouer des morceaux trop lents. Je suis assez théâtral et verbeux. Mes textes, surtout en Grande-Bretagne, font réfléchir et sourire les gens. La puissance et l’énergie vont amener autre chose. Parce que je ne fais pas vraiment de la dance music, hein. Ça en a juste quelques couleurs.»

Baxter n’est pas remonté contre les publics indolents. «C’est juste que, parfois, il faut changer. C’est stimulant. Ça titille ton mode de fonctionnement et ton environnement. Ça ne fonctionne pas tout le temps. Mais proposer autre chose et voir comment les gens y réagissent donne l’impression de progresser. Peut-être, l’an prochain, sortirai-je un disque de reggae…»

Drogues et kidnapping

De son propre aveu, Baxter Dury n’a jamais été un clubber. «J’ai participé à quelques raves mais je suis assez sensible et les drogues me donnaient l’impression que j’avais la grippe ou la malaria. Tout ça ne me rendait guère vraiment euphorique. Je n’étais pas à fond dedans comme certaines de mes connaissances. J’ai un peu fréquenté les boîtes de nuit, évidemment. Tu en as beaucoup l’occasion à Londres. Mais ce disque est tout sauf un hommage à mon amour ou à mon expérience des clubs et de la danse. Disons que j’en ai juste kidnappé quelques éléments.» Un peu comme quand Iggy Pop a enregistré The Idiot avec Bowie influencé par l’électronique teutonne de Kraftwerk, quand les Happy Mondays et leurs potes de Manchester ont mélangé le rock, la house et la défonce ou quand Radiohead a sorti Kid A et viré sa cuti.

Il y a clairement du DFA et du James Murphy dans le nouvel album de mister Dury. «Paul a commencé sa carrière en bossant pour LCD Soundsystem. Il a été leur ingé son pendant deux ans. Il a donc bien conscience de toute cette musique. Il s’y connaît aussi en électro clash. Personnellement, j’en écoute beaucoup plus maintenant qu’avant. Madchester? Je n’ai pas vraiment baigné là-dedans. J’étais plutôt dans le rap et la culture hip-hop à l’époque. Ce qui est d’ailleurs toujours le cas. J’adore Kendrick, Tyler et Frank Ocean.» Mais il a aussi un faible pour Billie Eilish et Charli XCX…  

Créer de la musique à danser modifie-t-il la manière d’écrire et de composer? Il n’en est pas convaincu. «C’est quelque chose que j’arrive à faire sans trop d’efforts. Je suis plutôt expérimenté quand il s’agit de coucher sur papier des paroles et de trouver des mélodies. Après, comme vous pouvez l’entendre sur certaines chansons comme Allbarone, des mots et des phrases ont tendance à se répéter. J’étais culturellement un peu mal à l’aise au début parce que je n’avais pas l’habitude. Mais ça m’a amusé.»

DJ pour l’argent

Le fils de Ian a aussi apparemment pris beaucoup de plaisir à faire de la musique sur ordinateur et à laisser quelqu’un d’autre prendre le contrôle de son univers. «Son expérience et sa connaissance de la musique permettent à Paul de prendre des décisions musicales avec lesquelles je n’ai pas envie d’interférer. Et c’est assez rare. J’ai fait un pas de côté pour lui laisser la main et j’ai avancé en réaction. Ça a été très agréable. J’ai vraiment apprécié le fait de travailler en partenariat aussi étroit avec quelqu’un en visant un but commun. D’autant que Paul ne doute pas trop et se montre ouvertement positif.»

DJ à ses heures perdues, le Droopy de la pop britannique a récemment mixé au Silencio, un club privé parisien conçu par David Lynch dans les sous-sols des anciennes imprimeries du quotidien L’Aurore. Même pas peur. Il en a profité pour passer son nouvel album. «Ce que j’apprécie dans le fait de mettre des disques? Je ne sais même pas si j’aime ça, en fait. Alors, je dirais l’argent (rires).» Et de terminer entre flagellation et fausse prétention. «Je suis une merde. Je ne comprends pas le fonctionnement de tout l’équipement. Il arrive d’ailleurs que ma clé USB déconne. Parce que oui: je télécharge. Je ne suis pas matérialiste. Je n’aime pas les objets. Je me suis débarrassé de ma collection de disques. Parfois, les gens ont l’air déçu, mais à certains moments, je suis juste brillant.»

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