Album - Coaxial
Artiste - Bandler Ching
Genre - Jazz
Label - SDBAN Records
Le quatuor bruxellois Bandler Ching mené par le saxophoniste Ambroos De Schepper dilate le jazz dans des compos électro-psycho fourmillantes. Dédale en version gonflée dans Coaxial, premier album inventif.
Le nom est inspiré du personnage joué par Matthew Perry dans la sitcom Friends, Chandler Bing. “Je l’ai beaucoup regardée quand j’étais plus jeune. Et de toute façon, la recherche d’un nom de groupe est un peu dénuée de sens”, explique Ambroos De Schepper. Avec la nuance que le patronyme de l’acteur est ici trituré, comme si la syntaxe orthodoxe ne convenait pas à la musique du groupe emmené par le saxophoniste. On rencontre cette tige de 28 ans à domicile, face à la maison communale de Saint-Gilles. L’appart est élégant et ancien, comme la musique diffusée au salon. Goûteuse comme ce Coaxial qui suit un premier EP classiquement disparu dans les remous du Covid.
Ambroos a grandi à la côte, à Nieuport. Peut-être l’inspiration du souffle sax qui pousse les neuf plages dans toutes sortes d’expansions sonores venteuses. Avec le constat qu’on ne sait pas forcément reconnaître les instruments joués. “Il est probable que Bandler Ching, qui a donné son premier concert fin 2019, n’ait pas un énorme succès commercial, mais c’est ce qu’on a envie de jouer à quatre.” Il rigole l’Ambroos, en présentant ses trois comparses. Deux musiciens aussi présents chez Kel Assouf, notamment: les Flamands Olivier Penu (batterie) et Alan Van Rompuy (claviers). Le bassiste Federico Pecoraro, lui, a plutôt des racines italiennes. Les quatre, tous dans la pré-trentaine, se rencontrent au Conservatoire de Bruxelles et traversent aujourd’hui différentes formations. Ambroos, fondateur de Ching, par exemple en décompte huit -au moins- à lui seul. Stakhanovisme. “Je suis le fondateur du groupe et aussi le manager (il sourit), je m’occupe de tout ce qui est communication et logistique. Au niveau des morceaux, cet album part le plus souvent de mes idées musicales, démarrées sur le programme Logic. Mon ordinateur est un peu mon labo où je pense aussi en termes d’atmosphères et d’arrangements. Même si l’improvisation reste quelque chose d’important.”
Micro et laiton
Signé chez SDBAN Records, label gantois d’excellence, Bandler Ching y rejoint un fructueux catalogue d’une trentaine de groupes et d’artistes solo, parmi lesquels TaxiWars, Echt!, Black Flower ou encore Glass Museum. La compagnie ressortant aussi des oldies, gems introuvables d’André Brasseur, Jack Sels ou encore de ce fantôme américain nommé Raphael, brièvement passé par la Belgique des sixties. Mémoire fondatrice appuyée et futur anticipatif, dans une marmite où le jazz fait l’indispensable court-bouillon d’autres ingrédients parfumés. Ambroos: “Le mot jazz est davantage synonyme de liberté que de style particulier, même s’il est au cœur de la formation au conservatoire de nos quatre musiciens.” Dans l’appart saint-gillois se trouvent notamment des instruments ressemblant à deux mandolines. Dont une curiosité électrique à huit cordes, branchée sur un remake d’ampli vintage. Ambroos est aventurier du touche-à-tout, même si le saxophone reste sa voix naturelle. Il joue du soprano, du ténor et de l’alto, ce dernier étant sa “base”. Là, il sort de sa caisse une belle pièce du genre, grigri du jazz historique -comme du classique-, en enlève le bec pour placer dans le corps de l’instrument un micro guère plus grand qu’une tête d’épingle. “En concert, ça me permet de ne pas me laisser vampiriser par le son des autres instruments. L’alto est avec moi depuis un bout de temps, peut-être parce que j’aime assez les notes aiguës. Et que le sax ténor est venu plus tard dans ma vie, vers 2015. Il a un côté plus théâtral qui favorise les ambiances intimes. Celui-ci est un Selmer Mark VI, marque qui est un peu la Jaguar du genre. Mes parents me l’ont acheté quand j’avais 12 ans…” Court sur pattes, étincelant dans son laiton à laque dorée, l’alto du jour a du chien.
Pour le plaisir, Ambroos empoigne son alter ego sur sa petite terrasse et lâche un vent. Si l’on peut dire, puisque la bête précieuse est de cette catégorie-là, pas de celle des pets ni des cuivres. “Je n’utilise presque jamais le sax de manière acoustique: tous les morceaux passent par des effets via des pédales qui forment un deuxième instrument. Je suis a priori le plus acoustique dans Bandler Ching, donc il faut que je m’accorde aux autres musiciens. La technique est devenue un parti pris important, expérimental. Et pour moi, tout s’est construit petit à petit, depuis l’âge de 15 ans, avec le début de la perception de ce qui est possible avec les effets, le delay, la distorsion, l’harmonisation, la modulation. Des choses qui ne sont pas trouvables sur Internet. Parfois, je suis comme un ket dans un magasin de jouets.”
Une constante recherche qui nuance la sinuosité du groupe, éclatée. Au propre comme au figuré à l’écoute de cet album qui voit Bandler Ching répéter et enregistrer au Volta, bâtiment industriel anderlechtois combinant locaux de répétition et salle de concert occasionnelle, bientôt reformatée en appartements. Ce qui ne devrait pas arrêter le parcours d’un groupe qui incarne pas mal les enjeux bruxellois, genre pain surprise.
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