Avec Les Cent Prochaines Années, Albin de la Simone a (enfin) trouvé sa place
Après l’instrumental Happy End, Albin de la Simone retrouve la voix sur Les Cent Prochaines Années. Entretien avant son concert aux Nuits, prévu ce 28 avril.
La dernière fois qu’on a discuté avec Albin de la Simone, c’était en 2021, à l’occasion de la sortie de son album précédent. Intitulé Happy End, il était entièrement instrumental. Son premier du genre. Deux ans plus tard, le musicien a retrouvé la parole sur Les Cent Prochaines Années. L’album repart en partie des mélodies muettes de Happy End. “Quand le Covid nous est tombé dessus, je ne pouvais ni écrire, ni même entendre des paroles. La chanson m’emmerdait. J’avais envie de musiques non agressives qui me permettaient de voyager. Ce qui tombait bien, j’en avais plein en magasin. Donc j’ai fait ce disque, Happy End.” Mais chassez le naturel, il revient au galop: au bout d’un moment, il faut bien le constater, derrière les instrumentaux se cachent également des chansons en puissance. “Elles attendaient juste des mots. Ça m’a permis d’écrire sur des musiques existantes, ce que je ne fais d’habitude jamais…”
Ce n’est toutefois pas le seul verrou qu’a fait sauter Happy End. “C’est vrai. Je le réalise seulement maintenant, c’est encore assez frais, je vais essayer de le verbaliser correctement. Mais, en gros, je crois que ce disque m’a enlevé… un poids, un truc à prouver. Je ressens moins la nécessité d’affirmer le musicien que je suis. J’ai moins le besoin, assez stérile d’ailleurs, de tout vouloir faire moi-même, composer, réaliser, arranger, jouer, etc.” À 52 ans, Albin de la Simone a sorti pas moins de sept albums studio, été nommé plusieurs fois aux Victoires de la musique, joué avec Salif Keïta, Iggy Pop, Angélique Kidjo, collaboré avec Vincent Delerm, Alain Souchon, M, Arthur H, Vanessa Paradis, réalisé des albums pour Carla Bruni, Pomme, Miossec, etc. Mais il a donc dû attendre un disque instrumental, pour se sentir… “légitime”.
Cela a en dit long sur le caractère du personnage, à la fois omniprésent et discret. Un chanteur “populaire, mais pas vraiment grand public, dans le sens où je vois bien que ce que je propose n’est pas dans le ton de ce qui plaît majoritairement”. Un auteur-compositeur qui a fini par trouver sa place. “Disons que j’ai l’impression, sans modestie pour le coup, de faire partie de ceux qui écrivent de bonnes chansons. Je n’ai plus honte de ma voix non plus. Je pense avoir trouvé mon truc.”
Avenir radieux
Deux ans après Happy End, Albin de la Simone est donc déjà de retour, plus boulimique et hyperproductif que jamais. “Avoir des idées, quand on est artiste, c’est la moindre des choses. Ce qui est compliqué, c’est de trier, de voir ce que vous allez faire atterrir et, surtout comment les faire atterrir.” En l’occurrence, pour Les Cent Prochaines Années, Albin de la Simone a lâché la bride et laissé, pour la première fois, quelqu’un d’autre mettre le nez dans sa tambouille: Ambroise Willaume, alias Sage, qui a notamment œuvré sur le dernier blockbuster de Clara Luciani. “Il a soulevé des problématiques que je ne voyais pas. Il a surtout amené une pulsation, des lignes de basse, qui amenaient les morceaux ailleurs. Tout en ne les dénaturant pas: ça restait mes mélodies, ma voix, etc.”
De fait, Les Cent Prochaines Années est le parfait exemple, voire le meilleur, de ce que la patte Albin de la Simone est capable d’enluminer: une chanson sensible en clair-obscur, classique dans sa forme, intimiste et chaleureuse dans ce qu’elle raconte. Elle est personnelle -“Je ne sais rien faire d’autre”. À l’image de la photo de pochette, sur laquelle le petit Albin est dans les bras de sa mère. “Il a bien de la chance/Ce petit petit moi/Qui savoure en silence/Un moment dans tes bras/Qu’un jour il oubliera”, chante-t-il dans Petit petit moi, tandis que plus loin, il inverse les rôles, s’adressant à ses enfants sur Ta mère et moi.
La mélancolie n’est jamais très loin, qui n’est pas la nostalgie. Après Happy End, dont une lecture ironique du titre avait pu envisager le pire, Les Cent Prochaines Années paraît au contraire presque optimiste. Pas question de se voiler la face sur les crispations du moment. Sur Mireille 1972, par exemple, il s’inspire de tableaux de Manet (La Prune) et Degas (L’Absinthe) -“deux femmes, en train de boire, dans un café, le regard vide, venant manifestement de vivre un événement traumatisant”- pour évoquer, par la bande, la remise en cause du droit à l’avortement, là où il semblait pourtant acquis. Pour autant, et malgré que l’effondrement général ait l’air de se préciser, à en croire les infos, “J’ai lu dans nos mains/L’avenir qui brille”, chante Albin de la Simone. “Pour moi, chaque jour est une occasion de réparer quelque chose qui déconne, ou améliorer ce qui ne va pas. Je me dis qu’à force, on ira forcément mieux demain…”
Albin de la Simone, Les Cent Prochaines Années ****, distribué par Pias. En concert ce 28 avril, aux Nuits Botanique
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