Aux Nuits Bota, Azealia Banks a fait chauffer la marmite rap-électro-punk qui l’a rendue célèbre. Avant de refermer le couvercle après 45 petites minutes. Compte-rendu.
C’était un peu l’invitée-surprise de ces Nuits Bota 2.0 : Azealia Banks. Alors que le festival avait ficelé plus ou moins définitivement sa progra, est arrivée sur la table le genre de propositions qui ne se refuse pas. A moins que si, quand même ? Frisson des années 2010, la native d’Harlem a pu donner l’impression de passer ces dernières années à faire davantage chauffer son compte twitter à coups de polémiques qu’à garnir sa discographie – on rappelle, un seul album officiel jusqu’ici au compteur, le grisant Broke With Expensive Taste, en 2014.
Début de l’année, le festival dance néerlandais Milkshake annulait d’ailleurs la venue de l’Américaine – une partie de son public queer n’ayant pas digéré ses sorties contre la communauté LGBT et certains propos transphobes. De fait, l’artiste frondeuse n’est plus à un dérapage près, visiblement à l’aise dans le rôle du troll de service. Confusion et contradictions comprises : pour rappel, tout en s’excusant en partie, Azealia Banks n’a jamais non plus caché sa bisexualité, ni son frère transgenre. Pareil au niveau politique : ces derniers mois, elle a appuyé la candidature de Kamala Harris, avant d’avouer avoir voté Trump, pour aujourd’hui se rétracter et traiter l’administration actuelle de « désastre total ».
Party time
C’est sans doute sur base de cette « confusion » – et, après tout, du joli coup à réaliser ?- que le Bota a laissé le bénéfice du doute à l’artiste. Il n’était d’ailleurs pas le seul. Si la soirée n’a pas affiché complet, la fountain stage était plutôt bien garnie – public dans la trentaine, plutôt branché, mélangé. Et patient.
Quand le DJ débarque sur le coup de 20h50 – soit déjà 20 minutes en retard sur l’horaire prévu -, il sait qu’il faudra encore en attendre au moins 20 supplémentaires pour voir débarquer la reine du soir. Quand elle apparaît finalement, Azealia Banks a au moins la bonne idée de ne pas tergiverser. Le groove house de Liquorice pour lancer les hostilités, puis le velours dance de Luxury pour allumer définitivement la mèche : c’est party ! Et si finalement, on avait bien fait de venir ?
Lire aussi | Les nouvelles Nuits Bota en 5 parcours
Seule sur scène, avec son acolyte DJ, Banks rappe et chante, pervertit trap (Big Talk, avec (la voix de) Rick Ross) ou dance (The Big Big Beat). Le tout avec un naturel évident – à défaut de consistance -, et ce qu’il faut bien appeler un vrai charisme – à défaut de la moindre mise en scène. Calée sur sa setlist, mais ayant l’air de quand même bien s’amuser, la diva glisse encore New Bottega – « I like the Gucci, the Miu Miu, Missoni, new Cavalli », l’une de ses saillies électro-rap les plus récentes. Sortie en 2023, elle aurait pu au fond très bien se retrouver sur Broke ou la mixtape Slay-Z.
Les biais de Banks
C’est d’ailleurs un peu la question aujourd’hui avec Azealia Banks. Il y a 10 ans, son mix décomplexé de rap et de sonorités électroniques pouvait détoner. Quand elle fait remonter par exemple un titre comme Yung Rapunxel – sémillante déglingue punk-indu-trance -, Banks rappelle son pouvoir de subversion. Entre-temps, ce genre de croisement est toutefois devenu quasi la règle, porté par exemple par un courant comme l’hyperpop. Un mouvement auquel certains ont pu d’ailleurs rattacher Banks. Le détachement et la post-ironie de la Gen Z en moins ? Car au fond, si l’Américaine a l’art de pousser les curseurs, c’est toujours pour nourrir ses sarcasmes, davantage que pour les dépasser.
Soit. Cela n’enlève malgré tout rien à l’effet déclenché par 212, son hit inaugural, ode au plaisir oral féminin millésimé 2012 (et, pour rappel, basé sur un morceau du Belge Lazy Jay). Il fait alors définitivement vriller le public. Et, après 45 petites minutes, met fin quasi aussi sec au concert. Quitte à créer la frustration. A l’image de la carrière de l’intéressée ?