Mercredi soir, aux Nuits Bota, entre deux files, Adèle Castillon a tiré une affiche qui faisait la part belle aux nouvelles têtes féminines de la scène française. Compte-rendu.
Si vous vouliez vous faire une idée de ce à quoi peut ressembler la French pop made in 2025, il fallait vous rendre au Botanique mercredi soir. Vous seriez alors tombé sur une bande de filles bien décidées à empoigner les rênes de la chanson française. Ou en tout cas à la tourner à leur sauce. Celle de vingtenaires qui ont picoré sur le web de quoi tracer leur propre itinéraire bis, susceptible de mieux refléter leurs expériences, leur vécu. Il n’est pas forcément question ici de rébellion, juste de changement de paradigme. Les plus prompts – assez que pour ne pas se retrouvé coincés dans l’immense file à l’entrée (lire plus bas) – auront pu ainsi croiser Yoa, révélation scène lors des dernières Victoires de la musique, qui ouvrait la soirée. Elle a été suivie notamment de Marie-Flore, Vendredi sur Mer, Miki, ou encore Adèle Castillon.
Programmée en clôture de la scène principale, cette dernière était en quelque sorte la tête d’affiche du jour. De fait, le parcours de la jeune femme est assez emblématique de cette « nouvelle vague » décomplexée. A 23 ans à peine, Adèle Castillon a déjà mené une carrière de youtubeuse, effectué ses premiers pas d’actrices, et lancé au moins deux projets musicaux – Video Club (en duo avec son amoureux de l’époque, Matthieu Reynaud), et sa trajectoire solo. Un éclectisme qui colle assez bien à sa génération. En musique, cela donne par exemple une propension à mettre ses sentiments à nu. Juste entourée d’un batteur et d’un clavier, Adèle Castillon démarre par exemple avec Sensations, revenant de manière frontale sur ses problèmes d’addiction. Mais sans jamais vraiment donner l’impression de se dévoiler complètement, cadrant son propos dans une mise en scène de soi très réfléchie. Un mécanisme pop, au fond, plutôt basique. Et sans doute aussi un réflexe pour une Gen Z qui, dès son enfance, a pris l’habitude de scénariser sa vie sur les réseaux, à travers des vlogs, etc.
Coeur coulant
Résultat : quand le courant se coupe après trois morceaux, Adèle Castillon ne panique pas. Mais elle n’en profite pas non plus pour sortir éventuellement un peu le concert de ses rails. L’électricité revenue, les machines relancées, tout repart, presque comme si de rien n’était. Il faut dire qu’avec des morceaux comme Roi, avec son vernis glacé eighties, il n’est pas trop compliqué de rallumer la mèche. Derrière la supplique amoureuse – « aime-moi dans la neige, aime-moi sous le soleil » -, Adèle Castillon enchaîne sans transition avec Lèche-vitrine, le beat droit, la voix pleine de morgue – « et toi, tu chouines pour deux, trois lignes » – ; puis SMS, ultime titre de Videoclub, qui, entre deux notes vocales, acte en direct la séparation du couple/groupe – « Quand je relis nos SMS/Je veux revivre toute la tendresse ».
On est alors au cœur (coulant) d’un concert et d’une musique électro-pop somme toute assez convenue, mais qui réussit malgré tout à toucher, en se décalant légèrement des canons habituels de la chanson. Par exemple en reprenant, d’un côté, le tube sentimental de Keane – Somewhere Only We Know. Ou en intégrant, de l’autre, un langage plus cru et direct, comme peuvent le pratiquer les rappeurs. Adèle Castillon s’est d’ailleurs fait remarquer (et parfois critiquer) pour ses multiples incursions dans le genre. Sur son dernier album, Crèvecoeur, publié en deux parties, elle a par exemple invité à la fois Louane et Gazo – sur Ce soir, joué sur scène. On l’a également vue au générique de la dernière saison d’High & Fines Herbes, la téléréalité gastronomico-fumeuse de Caballero & Jeanjass. Au Bota, les deux rappeurs ont d’ailleurs rejoint leur camarade sur scène pour reprendre leur trio Comic sans MS.
C’était la surprise du jour et d’un concert souvent emballant, mais sans vraie folie, ni grands effets. La prochaine étape ?
TOP
Frànçois & The Atlas Mountains
Retranché dans le Musée, François Marry est venu défendre son dernier album, l’attachant Age Fleuve. A trois sur scène – avec la bassiste Laure Sanchez et le batteur Colin Russeil – , il a déployé une pop indie luxuriante, à la fois poétique et pleine de groove. Et comme l’homme est généreux, il n’a pas hésité à convier également ses camarades Malik Moudji et Gérard Black à un festin musical franchement réjouissant.
Miki
Miki par ci, Miki par là, Miki partout. Il a fallu patienter et même jouer des coudes pour rentrer dans l’Orangerie où se produisait la dernière « sensation pop française » du moment. Devant son scorpion gonflable géant, la jeune chanteuse a piqué là où il fallait, crachant sur les premiers rangs, triturant ses machines, ne ménageant pas ses efforts. Avec, certes, l’air d’accuser déjà le coup, rincée par un buzz qui n’a fait que s’accélérer. Mais bien décidée à mouiller le maillot – en l’occurrence, un sémillant t-shirt Slipknot.
FLOP
Les flux flous
File devant l’entrée, file devant l’Orangerie, file devant les stands de nourriture, file pour les toilettes. Les Nuits Bota ont voulu devenir un festival comme les autres. Mission réussie.