À la rencontre de La Jungle, le duo le plus trippant et tribal du royaume
Duo de chamans montois, La Jungle part à l’assaut du dancefloor avec une guitare, une batterie et un album dingo de kraut trans noise urbain et vaudou.
Vingt heures. La nuit est déjà tombée sur Mons quand on retrouve La Jungle à La Fabrique des Singes. C’est là, quelque part entre la Grand-Place et le Marché aux Herbes, que le plus trippant et tribal duo du royaume tiendra deux jours plus tard sa release party. Son guitariste, Mathieu Flasse, a ouvert les lieux avec deux potes: Julien Lefrancq, qui construit des maisons en paille, et François Chevalier, un graphiste qui monte des expos et tenait auparavant un maga de skate/street art/fringues dans le piétonnier. « On voulait un endroit pour développer l’économie créative locale. On a fait de la découpe laser, de l’imprimante 3D. On a exposé des artistes. Puis aussi le travail d’artisans, des gens qui fabriquaient des bijoux notamment. On a organisé des concerts et des projections également, créé un atelier de sérigraphie. Si le lieu survit, il se concentrera plutôt sur le live, les performances et les expos. »
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Mathieu est Montois, vit de la musique, baigne aussi dans la peinture, le dessin et le monde plasticien. Né à Boussu, Rémy Venant, lui, a grandi à Ghlin, habite Bruxelles et travaille au Vecteur, à Charleroi, depuis trois ans. Avant de créer La Jungle (c’était en juin 2013, bien avant qu’ouvre celle de Calais), les deux Hennuyers ont organisé pas mal de concerts. Une cinquantaine en un an et demi. « Les gens, quand on montait un événement, savaient que ce ne serait pas de la pop ou du jazz. Mais à l’heure qu’il est, ça devient compliqué. Le Bateau Ivre est à remettre. Terminé depuis deux mois. Il reste Le Coin aux étoiles. Un petit repaire autogéré. C’est le syndrome Mons 2015… Toutes les villes qui ont été capitales européennes de la culture ont par la suite morflé. Qu’on nous file quatre murs, on ouvrira un lieu. On ne veut pas de sous. Juste qu’on nous laisse faire et qu’on nous foute la paix. »
Faire vivre l’art, la musique n’est pas une sinécure. Même dans les villes étudiantes. « À l’Alhambra, certains groupes complètement dingues ont attiré 20 personnes, remarque Rémy. C’est une idée reçue que dans les villes universitaires, les lieux culturels sont forcément et fortement fréquentés. Les étudiants à Mons, ils se font une soirée au Waux-Hall et se bourrent la gueule en écoutant de la merde. Ils ne s’intéressent pas à la musique noise. Ils ne vont pas voir d’expos. » « Et ce sont ceux qui disent qu’il ne se passe rien. Faut juste être curieux, creuser un peu. » « Les étudiants en médecine, psycho, peu importe, ils s’en branlent. Au Vecteur, à Charleroi, on voit rarement des gens de l’Ipsma. Les villes étudiantes ne sont pas nécessairement plus vivantes. J’étudiais en kot, je fumais des joints et je mangeais des lasagnes. J’allais pas au Bateau ou voir des expos. »
Large parenthèse fermée, La Jungle est de retour. De retour avec II, album kraut trans noise pour une afterparty à pieds nus sur les tessons de bouteille et les braises encore brûlantes du feu purificateur. « Le math rock ne m’a jamais particulièrement intéressé, insiste Mathieu. Les gens voient qu’on manipule des pédales avec les pieds. L’amalgame est vite fait. Mais pour moi, le math, c’est les débuts de Battles, Quadrupède… Je syncope tout. J’arrête. Je recommence. Et c’est pas vraiment ce qui nous intéresse. Nous, on aime la longueur, la dynamique, l’énergie. On a toujours essayé de ne pas faire compliqué pour le plaisir d’ailleurs. » « Le côté plus répétitif et moins saccadé vient aussi de groupes qu’on a découverts entre les deux disques. Comme les Japonaises de Nisennenmondai ou les Chiliens de Föllakzoid. »
Cinéma, Colombie et guillotine…
Empreint d’un chamanisme moderne, II (40 minutes pour cinq morceaux) a été enregistré au Vecteur, au Rockerill et dans le home studio plutôt roots de Steve Dujacquier, collègue de Rémy qui bosse souvent au Théâtre de l’Ancre et a notamment collaboré avec Spagguetta Orghasmmond. « C’est un fou furieux de la physique et du son. Je n’ai jamais vu ça chez quelqu’un d’autre. En écoutant l’album, on peut s’imaginer l’espace autour des instruments. J’ai percuté avec un groupe comme Earth. On n’entend pas ça sur beaucoup d’albums. Je voulais tester un truc du genre. » Mission accomplie. Succès sur toute la ligne. La Jungle est déjà parvenue à se réinventer, se rapproche du dancefloor et semble encore en mesure de gagner du terrain. En trois ans d’existence, la tandem a déjà tourné en France, en Espagne, au Portugal. « On nous a contactés pour des musiques de film. Des gens nous ont même écrit de Colombie pour qu’on leur envoie des CD et pour nous passer à la radio. Ce deuxième album était déjà composé au moment des retours positifs sur le premier. C’est plutôt sain. Maintenant, on se demande comment il va être reçu. »
Mathieu a déjà bien roulé sa bosse. Que ce soit avec les Dancing Naked Ladies ou Petula Clarck. « Je vois bien qu’il y a un autre potentiel. La musique de Petula, qui existe toujours, ne parle pas à autant de gens. Petula joue par terre au milieu du public. C’est hyper spontané. Les morceaux sont créés en une heure et demie. On ne les retouche jamais. Par contre, avec son côté répétitif, La Jungle peut se rapprocher de l’électro. » La pochette qui décapite des pastèques et est intitulée Repurposed Guillotine est à nouveau signée Gideon Chase. « C’est un artiste de San Francisco. J’avais découvert son travail sur un blog et épinglé une image dans mon bureau. Il est beaucoup plus occupé maintenant. Il fait des dessins animés. Il travaille chez Cartoon Network. » Attention chérie, ça va trancher!
La Jungle, II, distribué par Black Basset/Rockerill Records. ****
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