4 albums de la semaine, testés et approuvés: de François & The Atlas Mountains à An Pierlé
On streame toujours plus le retour de François & The Atlas Mountains, les audaces jazz d’An Pierlé, le nouveau projet de Ty Segall ou encore la dernière fournée d’High & Fines Herbes
François & The Atlas Mountains – Âge Fleuve
Distribué par Infiné. Le 17/04 à l’Aéronef (Lille) et le 21/05 au Botanique (Bruxelles)
La cote de Focus : 4/5
Bourlingueur de la pop made in France, François Marry a grandi à Saintes, sur les bords de la Charente. Il a entamé sa carrière de l’autre côté de la Manche, dans la ville portuaire de Bristol, barbotant avec les bricoleurs du freak folk et du Do It Yourself. Il a résidé à Bordeaux et vécu à Bruxelles. Toujours prêt à prendre le large et à se jeter à l’eau, François a ensuite mis le cap sur les Landes. L’appel de l’océan et des plages à perte de vue. Le besoin, l’envie d’un point de chute. De se sédentariser. Même si sa musique, elle, garde toujours le goût du voyage et de l’ailleurs. Marry avait enregistré Banane bleue avec un Finlandais (l’ancien chauffeur de tram Jaakko Eino Kalevi) entre Berlin, Athènes et la Maison d’art Bernard Anthonioz de Nogent-sur-Marne, qui accueille à la fois une Ehpad et une résidence d’artistes.
Fabriqué en quatre ans avec Siau, chanteur et producteur de chansons synthétiques à la fois amoureux de la pop indépendante et des musiques électroniques, Age fleuve a comme ses prédécesseurs l’âme vagabonde. Malik Djoudi (Jeune versant), le jazzman Thomas de Pourquery (Adorer) et la folkeuse britannique Rozi Plain (Rappelle-toi) pointent leur nez au milieu de ces dix chansons marquées par la reformation de son groupe et un passage du label Domino (Arctic Monkeys, Franz Ferdinand, Hot Chip, Wet Leg…) à la maison de disques InFiné (Rone, Murcof, Aufgang…). Mais aussi inévitablement par le décès de son père pendant la pandémie qui a tout bouleversé. Entièrement chanté en français (ce n’est pas toujours le cas avec Frànçois), Age fleuve est un disque de pop moderne. Un album de deuil poétique et pudique, élégant et réconfortant, triste et lumineux, contemplatif et rêveur. Une promenade en barque de la mer à la source, en remontant le courant de l’existence et en s’interrogeant sur les vagues de la vie. • J.B.
An Pierlé Quartet – Ultimate Survival
Distribué par W.E.R.F. Le 14 février à l’Ancienne Belgique.
La cote de Focus : 4/5
Libre comme An Pierlé. Entre des incursions dans la musique de chambre et un projet en français (avec La Lumière, bientôt disponible en album), la chanteuse a retrouvé son quartet jazz. A ses côtés, Hendrik Lasure (claviers), Casper Van de Velde (batterie), et bien sûr sa moitié à la scène comme à la ville, Koen Gisen (clarinette, saxophone). Quatre ans après l’album Wiga Waga, Ultimate Survival impose neuf chansons à la fois troubles (Daybreak, The Lid) et intenses. Pas de tricherie ici. Assumant sa proximité avec le Blackstar de Bowie (Waves), revendiquant son audace à la Kate Bush, ce deuxième album du quartet porte sa sincérité en étendard. Il faut se laisser piquer par un titre comme The Sting –le bourdon de la basse, au milieu du saxo et des nappes de synthé– ou plonger dans Make Believe –la voix sur le fil, douchée par les notes de harpe. «Hope takes courage and naivety», chante An Pierlé, en toute fin. Magnifique. ● L.H.
Freckle – Freckle
Distribué par Drag City/V2.
La cote de Focus : 4/5
Tour à tour incarnation du guitar hero 2.0, batteur chanteur dévastateur et frontman ascendant entertainer, Ty Segall n’a cessé de se réinventer depuis qu’il est apparu il y a plus de quinze ans maintenant sur la scène californienne. Secouant comme John Dwyer et ses Osees le cocotier du rock américain sur la côte ouest. Outre quelques disques collaboratifs avec son pote Mikal Cronin ou encore Tim White Fence Presley, le singer songwriter aux doigts dans la prise né en 1987 à Laguna Beach a aussi une flopée de groupes à son actif.
Après The Traditional Fools, les Epsilons, Party Fowl, The Perverts, Goggs et bien sûr Fuzz, Segall dégaine un nouvel album et un nouveau band avec Corey Madden, chanteur et guitariste de Color Green, sous le nom de Freckle. Freckle (traduisez par Tache de rousseur) est une excellente surprise et une jolie réussite. Ces dix titres en pincent pour la guitare acoustique et la jam folk rock (le disque est truffé d’intermèdes instrumentaux), ont le goût du court et le sens de la mélodie. Un cru à posséder dans sa cave. ● J.B.
Caballero & Jeanjass – High & Fines herbes – la saison 5
Distribué par Double Hélice Otoro. Le 21 mars l’Ancienne Belgique.
La cote de Focus : 3/5
C’est un scénario désormais bien rodé. Au lendemain de la diffusion sur YouTube du dernier épisode de High & Fines herbes, Caballero et JeanJass ont sorti la mixtape associée. Pas vraiment une B.O. mais la musique créée spécialement pour (et pendant) la cinquième saison d’un show rap devenu culte. Croisement entre Top Chef, Les Recettes pompettes et Les Marseillais, High & Fines herbes est non seulement l’un des divertissements les plus drôles du Net, il est aussi devenu une véritable success story pour ses deux pilotes –jusqu’à remplir des Zénith.
Alors que l’association Double Hélice qui les a fait connaître auprès du grand public reste toujours en veille (mais en enchaînant les albums solo et à deux, sous la franchise ZushiBoyz), les deux chefs coqs bruxellois ont à nouveau concocté un menu pléthorique. Avec, à la production, une majorité de morceaux signés du collectif Légendes Industries (mais aussi Krisy, Dee Eye, JeanJass). Derrière le micro, ça se bouscule. Les invités sont en effet venus d’un peu partout. Y compris une grosse délégation québécoise (Le Roi Heenok of course, Enima, ZorroSlice) et Adèle Castillon et Kay The Prodigy pour assurer (quand même) une présence féminine.
Raccord au format plus libre de la mixtape, ce cinquième volume part forcément un peu dans tous les sens. Bordélique, mais pas forcément fumeux. Outre le g-funk du single d’ouverture, l’un des grosses pièces du disque est par exemple Kilogrammes. Sept minutes où les gaillards se «passent-passent le oinj» sur un beat chelou tournant au ralenti –Stavo dans son élément, ElGrandeToto génialement angoissant. Par la force des choses, les métaphores autour de la fumette ne manquent pas. Mais la mixtape n’est pas monothématique pour autant. D’ailleurs, si le second (voire le troisième, sinon le quatrième) degré reste la ligne éditoriale principale du webshow, la musique, elle, s’écarte plus volontiers de la gaudriole. A l’instar par exemple d’un titre comme Panorama (avec Yamê) ou Sac plastique avec thahomey, Kay The Prodigy, la légende Oxmo Puccino et Ben PLG (qui ose «Y a plus de numéros 10 comme Scifo»).
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