Hello, I’m Harvey Milk… – Autour de la figure d’Harvey Milk, premier élu américain ouvertement gay, Gus Van Sant signe une biographie inspirée, admirablement servie par Sean Penn.

De Gus Van Sant. Avec Sean Penn, Emile Hirsch, Josh Brolin. 2 h 03. Dist: A film.

« Hello, I’m Harvey Milk, and I’m here to recruit you… » C’est par ces quelques mots, devenus bientôt sa marque de fabrique, qu’Harvey Milk avait l’habitude de débuter ses discours, ceux d’un orateur hors pair doublé d’un militant homosexuel au service d’une cause, la démocratie et la lutte contre toutes les discriminations. Replacé dans le contexte des années 70, ce combat, qui mérite toujours, du reste, une mobilisation quotidienne, n’avait rien d’évident. Ce que s’emploie à rappeler ce film de Gus Van Sant – un biopic pas conventionnel pour un sou qui consacre le retour du réalisateur de Elephant à Hollywood.

Le combat d’une vie

Le destin d’Harvey Milk, Van Sant l’embrasse à l’orée des années 70, alors que, frais quadragénaire, il décide de quitter New York pour San Francisco. Milk et son compagnon du moment s’installent dans le comté de Castro, où ils ouvrent un magasin de photo qui devient rapidement, à l’image du quartier, le point de ralliement de la communauté gay. De cette effervescence à l’activisme politique, il n’y aura qu’un pas, encouragé par les discriminations et autres violences policières dont sont victimes les homosexuels; c’est par ailleurs l’époque des Anita Bryant et John Briggs, politiciens réactionnaires stigmatisant, à grand renfort d’imprécations, tout qui n’entre pas dans la stricte orthodoxie hétérosexuelle.

Doté d’un magnétisme et d’un charisme exceptionnels, Milk emporte en 1977, après quelques tentatives infructueuses, un siège de superviseur municipal à San Francisco, devenant ainsi le premier élu américain ouvertement gay. Il enlève dans la foulée d’autres victoires précieuses – notamment, contre la fameuse proposition 6 du sénateur Briggs, qui visait à autoriser le licenciement des enseignants homosexuels. Icône de toute une communauté, et au-delà, Milk paiera ses succès de sa vie, étant, comme le maire de Frisco, assassiné quelques mois plus tard, en novembre 1978, par un conseiller d’un autre bord, Dan White.

Ce sont donc ces 8 années que met en scène Van Sant, dans un film alternant judicieusement images d’archives et reconstitution millimétrée, et bénéficiant d’une urgence quasi documentaire, admirablement rendue par la photographie granuleuse d’Harris Savides. Milk déborde du bouillonnement de l’époque et de la richesse de son modèle, dont les diverses facettes s’éclairent tour à tour – on peut, dans le chef de Sean Penn, oscarisé pour la circonstance, parler de discret tour de force. L’£uvre est passionnante, balayée par un souffle puissant et généreux, elle résonne aussi d’une portée d’autant plus forte que toujours bonne à souligner tant, en la matière, les acquis sont trop souvent fragiles.

Si loin si proche, en quelque sorte, pour un film embrassant les idéaux d’égalité de droits, d’espoir et de changement avec une authentique inspiration. Et servi avec des compléments classiques, qui ajoutent notamment aux souvenirs de compagnons de route d’Harvey Milk un bref making of.

Jean-François Pluijgers

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