Micro Festival: résistance éclectique

Reverend Beat-Man © Fabrice Plas/Flickr (CC)
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Math rock, blues trash rock’n’roll, krautpop en allemand et folk au langage imaginaire… Le 6e Micro Festival, archi complet, a (bien) vécu.

Dimanche matin, enfin plutôt sur le coup de midi, alors que le Micro accueille sa foire aux vinyles et attend son grand concours de chaises musicales, on compte ses neurones, retrouve ses idées et rassemble ses souvenirs d’une sixième édition imbibée. Les derniers tickets se sont échangés contre quelques heures de bénévolat ou revendus en cinq minutes avec un message Facebook à 6 heures du mat… Le festival du Collectif Jaune Orange a l’habitude d’afficher complet mais jamais il n’avait suscité pareil engouement. Pas de grosse tête d’affiche ici. Juste la promesse d’une ambiance sympa, de concerts à taille humaine, d’une programmation pointue et aventureuse. Et d’un week-end de musique relax où on ne court pas d’une scène à l’autre (il n’y en a qu’une) comme un poulet sans tête.

Au Micro, antithèse des grands festivals de l’été, on repart avec un poster géant en donnant son adresse mail. On pédale pour faire son smoothie (avec ou sans gingembre). Et après avoir bu un coup (enfin beaucoup de coups, on est à Liège mesdames et messieurs), on se relaxe affalé sur les corps en peluche qui servent de déco.

Dans la cour de l’Espace 251 Nord, au coeur du populaire quartier Saint-Léonard, on joue la carte de la découverte avec une programmation très européenne. Les seuls Américains dans le coin sont là pour terminer les soirées en mettant des disques. Enfin des cassettes en ce qui concerne l’ethnomusicologue Brian Shimkovitz alias Awesome Tapes From Africa (le blog, le label, tout ça…) qui a fait danser les Liégeois au rythme endiablé et roots de ses trésors dénichés lors de ses nombreux voyages au Sénégal, en Somalie et autre Ghana…

Vendredi soir, jamais vraiment convaincus par les Danois d’Iceage, et un peu déçus par les anxiogènes Dublinois de Girl Band minés par quelques problèmes techniques (le premier album sortira le 25 septembre chez Rough Trade et le dernier clip, énorme et malsain, se regarde ici, on s’est surtout pris une claque avec les Montois de La Jungle. Dans La Jungle, terrible Jungle, on mêle sauvagement noise, kraut, post et math rock comme pour ressusciter le lion. Tarzan et Mowgli sont en transe… On verrait bien le coordinateur du Vecteur à Charleroi et le guitariste de Petula Clark ouvrir d’ici quelques semaines pour un Battles.

Gueule de bois, déjà… Ce n’est pas la grande foule pour Benoît Lizen samedi, en début d’après-midi. Mais l’accueil est extrêmement chaleureux. L’univers poétique et doux du Liégeois qui chante son folk dans un langage imaginaire dont il a inventé vocabulaire et grammaire a même le droit à un rappel. La preuve que ce genre de musique intimiste peut aussi marcher en festival. Splendide. Dans la foulée de Mambo (encore l’écurie Honest House), qui réunit des membres de Casse Brique, Volt Voice, Frank Shinobi et Horson et a terminé deuxième du dernier Concours Circuit avec un math rock qui évite les pièges dont le genre est coutumier, le Micro est soufflé par la tornade The Glücks. Une guitare, une batterie. Deux voix et une niaque comme on n’en voit plus souvent dans les salles de concerts aujourd’hui. Les Bonnie and Clyde de la nouvelle scène belge dépotent avec leur rock binaire et furieux. Le public est mou du genou. On reparlera vite de ce duo ostendais à la early White Stripes.

Trio krautpop suisse, Klaus Johann Grobe, repéré lors du dernier festival de découvertes Eurosonic, c’est un peu Fujiya et Miyagi qui joue avec Matias Aguayo et chante en allemand. Synthé, basse, batterie… Les Zurichois font taper du pied avec leur pop à tête de chou. Leur premier disque Im Sinne der Zeit est sorti l’an dernier chez Trouble in Mind.

Si le rêveur Jacco Gardner peine toujours fameusement à retranscrire sur scène la magie qui se dégage de ses albums, les Français de Turzi qui passeront le 18 septembre, avec leur soprano Caroline Villain cette fois, à la Maison du peuple de Saint-Gilles ont plutôt bien tiré leur épingle du jeu. Ouverture en mode Nosferatu, voyage dans sa discographie alphabétique (Turzi a intitulé ses albums A, B et C)… Les Parisiens font honneur à leur univers cinématographique. En attendant, le concert et la grosse ambiance de ce sixième Micro, la grand-messe diabolique du week-end, c’est au Reverend Beat-Man qu’on la doit. Le fondateur des Monsters et du hautement recommandable label Voodoo Rhythm, meilleur one man band du XXIe siècle, fout un souk du méchant avec sa voix d’outre-tombe, son rock’n’roll incestueux (I See The Light) et primitif. Le Reverend, blues trash preacher, vénère Hasil Adkins, envoie les radios brûler dans les flammes de l’enfer et exorcise des spectateurs déchaînés tandis que valdinguent les immenses poupées de la déco. À l’année prochaine brothers and sisters…

MeRCi #microfestival

Posted by LE MICRO FESTIVAL on dimanche 9 août 2015

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