EN 1999, MALICK ROMPAIT UN SILENCE DE 20 ANS AVEC THE THIN RED LINE. SES ACTEURS LEVAIENT UN COIN DU VOILE SUR SON ÉNIGMATIQUE PERSONNALITÉ.

Berlin, 1999. Présenté en compétition, The Thin Red Line, le film qui consacre le retour de Terrence Malick après 20 ans d’écran noir, fait mieux que répondre aux attentes, subjuguant les spectateurs, et le jury présidé par Angela Molina, qui lui décerne l’Ours d’or de la 49e Berlinale. Ceux qui espéraient, dans la foulée, voir débarquer le réalisateur américain en seront par contre pour leurs frais. Fidèle à sa ligne de conduite, Malick brille par son absence, laissant à ses acteurs le soin de lever un coin du voile sur son énigmatique personnalité, à défaut de remplir les blancs d’une existence menée à l’abri du regard inquisiteur des médias. « Si vous demandez à Terrence Malick ce qu’il a fait ces 20 dernières années, il vous retournera immanquablement la question, expliquait ainsi Will Wallace. Et que voulez-vous répondre à cela: nous avons tous fait un nombre considérable de choses depuis 20 ans… « 

Jim Caviezel se montrait par contre plus disert sur les raisons qui avaient poussé le réalisateur à se tenir à l’écart des plateaux de cinéma: « Terry a senti que le business avait commencé à essayer de le changer. C’est quelqu’un de profond et de religieux, et quand il a vu ce changement se dessiner, il a estimé que cela n’en valait pas la peine. Etre un homme bien avait davantage de valeur à ses yeux que sa carrière de metteur en scène. «  De là à ce que Malick devienne un mythe, il n’y aura qu’un pas: « Le mythe s’est créé parce qu’il s’est refusé des choses que désirent la plupart des gens, comme l’argent ou la célébrité. Il se retirera d’un projet si le film ne se fait pas selon ses souhaits.  »

Avancer sans masque

Ce qui s’appelle l’intégrité, qualité à laquelle Malick ajoute une approche toute singulière de son art: « Terrence Malick est très différent des autres metteurs en scène avec qui j’ai travaillé, soulignait ainsi Nick Nolte, même si les grands réalisateurs ont des qualités voisines: tous recherchent une certaine vérité, et tentent d’acquérir du temps. A cet effet, Terry a une technique spécifique: il entame une scène sans la terminer, se contentant d’en tourner la colonne vertébrale. Il y a en permanence 5 ou 6 scènes inachevées, sur lesquelles il compte revenir plus tard. La semaine suivante, il regarde le soleil, les couleurs qu’il dégage à son couchant, et vous suggère de reprendre l’une ou l’autre de ces scènes. Elles ont eu le temps de mûrir dans votre esprit et dans le sien, et les choix se révèlent totalement différents de ceux que l’on aurait arrêtés initialement. Voilà comment il obtient la surprise, tout en se ménageant du temps.  » Réflexion prolongée par une autre, d’Elias Koteas: « On apprend chaque jour au contact de Terrence Malick. Parfois, il vous demande simplement d’écouter la nature, de vous mettre dans un état d’esprit, de vous imprégner d’instants, sans que l’on répète pour autant. C’est là une quête de vérité qui peut se révéler, par moments, inquiétante. Si bien que nous portions la peur sur nos visages sans même devoir jouer. Terrence n’arrête pas de tourner. Et il obtient des acteurs qu’ils ne jouent pas. C’est de là que viennent ces petits joyaux, ces moments de vérité où l’on s’avance sans masque.  » Jusqu’à franchir la ligne rouge…

J.F. PL.

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