Visions d’horreur
Prophétique à plus d’un titre, le Videodrome de David Cronenberg s’offre en version non censurée restaurée HD dans un très généreux coffret Blu-ray.
» L’écran télévisé est devenu la rétine de l’oeil intérieur. » En 1983, David Cronenberg sort d’une série d’infectieux petits films gores ( Shivers, Scanners…) et s’offre en quelque sorte, avec Videodrome, sa première oeuvre de la maturité. Influencé par les théories de Marshall McLuhan (et son fameux » The medium is the message« ), le film suit le patron sans scrupule d’une petite chaîne du câble spécialisée dans l’érotisme et la violence, Max Renn (James Woods). En quête de contenus inédits pour alimenter son core business, ce dernier tombe sur un mystérieux programme-pirate dénommé Videodrome présentant des images dérangeantes de tortures et de meurtres qui paraissent bien réels. Bientôt, Renn se retrouve en proie à des hallucinations inquiétantes et semble victime de monstrueuses altérations physiques qui le voient notamment se transformer en une espèce de magnétoscope humain…
Prenant pour cadre un monde dépeint comme » un égout sans fond« , Videodrome invite viscéralement à réfléchir sur des phénomènes d’addiction à la surstimulation pouvant conduire à perdre dangereusement pied avec la réalité. Comme le précise Cronenberg lui-même dans un entretien en bonus, le film, devenu culte, n’est pas une simple charge contre la télévision ou les réseaux de communication. C’est une exploration des extrêmes, une étrange étude de personnages qui, en tentant de modifier leur environnement, se retrouvent eux-mêmes modifiés par celui-ci. Le futur réalisateur de The Fly, Crash et autre eXistenZ y développe un cinéma à la fois théorique et organique à la portée visionnaire, voire carrément prophétique, qui envisage l’homme comme un mutant technologique et annonce l’omniprésence des images mais aussi, bien sûr, la réalité virtuelle. Porté par les ingénieux effets spéciaux artisanaux de Rick Baker, Videodrome n’a peut-être, au fond, jamais été aussi pertinent qu’aujourd’hui.
Coffré dans un rutilant steelbook collector, le film s’y accompagne d’un livret de 24 pages, d’un making of promotionnel, d’une présentation critique et de scènes inédites. Mais à cela s’ajoute encore un deuxième disque Blu-ray qui renferme les toutes premières réalisations de David Cronenberg. Soit deux courts – Transfer (1966) et From the Drain (1967)- et deux longs métrages – Stereo (1969) et Crimes of the Future (1970). Bricolées et forcément un peu vieillies, assez radicalement expérimentales, ces oeuvres de jeunesse valent surtout si on les envisage comme de fascinants petits laboratoires déviants, de prometteurs terrains d’essais déjà porteurs de nombreuses obsessions et thématiques amenées à être développées dans les films qui vont suivre: exploration de la folie et des pulsions sexuelles, intérêt quasiment entomologique pour la nature humaine et goût certain pour les mutations génétiques… Une porte ouverte sur la psyché déjà génialement dérangée d’un grand maître en devenir.
Videodrome
De David Cronenberg. Avec James Woods, Debbie Harry, Sonja Smits. 1983. 1 h 27. Ed: Elephant Films.
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