VOILÀ UN ALBUM QUI REMUE LES ANCÊTRES AMÉRICAINS, BLUES, GOSPEL ET AUTRES GENRES CROMAGNONS VIA UNE JEUNE FEMME À LA VOIX BOULEVERSANTE.
LE 30.04 / LA ROTONDE
Elle porte un chandail bleu électrique et une écharpe minou noire. Son visage clair est barré d’une bouche rehaussée de rouge pétaradant et deux pupilles incandescentes guident un regard braise. Elle possède ce truc déstabilisant d’accueillir certaines questions d’une minauderie indifférente puis de lâcher un sourire qui crame instantanément la pièce d’ultraviolets. Avec des dents aussi blanches que dans les feuilletons sur le FBI, genre. Et puis, Valerie ne serait pas June sans sa planète de cheveux, empire capillaire néo-dreads: « Je ne les ai plus coupés depuis douze ans », dit-elle, encore choquée que la veille, dans les rues de Bruxelles, un « poivrot » s’y soit accroché: « Il était ivre, sinon… » Un frisson passe. D’ailleurs, si les recettes shampoings et autres huiles d’entretien vous passionnent, elle en détaille les tenants sur le Net (1). Bon, une fois passées les fiches coiffures, on peut dire que la musique de son premier album véritablement international fait grande impression. En grammaire civilisée, elle nous botte le cul via un gumbo typiquement américain: le gospel y est un cousin illuminé de la country et le folk des Appalaches, l’amant secret d’une écarlate soul vintage. Déjà une vieille histoire de métissage concubin sauf qu’il y a, portant tout cela, LA voix de Mademoiselle June, née en 1982 (elle reste cachotière sur son pédigrée exact). Une sorte de merveilleux croassement sensuel, comme si Billie Holiday revenait aujourd’hui demander des comptes à la fixette numérique, mais avec un pitchtrès haut, céleste, bizarre. On suggère donc à Valerie qu’elle chante à la fois comme « une fille de huit ans et une ancienne de 88 piges ». Le temps d’envoyer son merveilleux regard de Vénus fatiguée, elle nous sert cette accorte réponse: « Ma voix parlée et ma voix chantée sont étrangères l’une à l’autre. Au début, j’essayais d’imiter Carole King ou Natalie Merchant, mais je me suis vite rendue compte que c’était idiot. Là, le son qui sort de ma bouche est le mien. Sans forcer. » Le boyau vocal en question, parchemin craquelé et émotif, tunnel langoureux d’ADN secrets, restitue possiblement l’enfance passée dans une petite ville du Tennessee -Humboldt, 8000 âmes- et la messe courue deux fois par semaine: « Le gospel a dominé les 18 premières années de ma vie. Avec cette idée de collectif absolu, Dieu ne demande pas la performance solo. Oui, ma famille était très croyante, moi, je me contente d’être spirituelle. » Alors c’est évidemment une histoire d’amour qui mène Miss June à Memphis -pendant une décennie- avant qu’un autre coeur ne lui fasse rejoindre Brooklyn en 2011. Elle y habite sans festoyer avec le tout New York, parcourant chaque jour à pied son Williamsburg, quartier mix de branchitudes urbaines et d’antédiluviennes communautés juives hassidiques. De quoi nourrir un bout de conversation sur le sens de la vie et des cheveux. Même qu’on en ferait bien un autre Mur des lamentations, juste plus groovy.
(1) TAPEZ VALERIE JUNE/THE COIL REVIEW SUR YOUTUBE
?CD PUSHIN’ AGAINST A STONE CHEZ PIAS (LIRE EN PAGE 34).
PHILIPPE CORNET
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