« Une vraie ouverture »
Ils écoutent France Inter mais supportent les Diables Rouges et ils ne se feront sans doute jamais à ce ciel si bas qu’un canal s’est pendu. Ils et elles ont un point commun: être arrivés en Belgique pour faire leurs études, et n’être jamais repartis.
On a coutume de dire que pour un artiste belge (francophone), la clé du succès se trouve en France. De fait, nombre de comédiens et comédiennes belges ont vu leur carrière exploser en passant par la case parisienne. Pourtant, le cinéma belge regorge de talents… français. Les Hexagonaux représenteraient pas moins de 5% de la population bruxelloise. On peut penser que les conditions d’accès à l’IAD et l’Insas, les deux grandes écoles de cinéma belges francophones, n’y sont pas pour rien. « Le système belge, c’est un entonnoir inversé, explique le réalisateur Emmanuel Marre (Rien à foutre). En France, on sélectionne tout de suite un tout petit nombre d’étudiants auxquels on donne plein de moyens. En Belgique, la sélection se fait au fur et à mesure, et ça me semble beaucoup plus intéressant. »
Même son de cloche chez la réalisatrice Rachel Lang (Baden Baden, Mon légionnaire): « Je suis venue pour faire l’IAD, qui a ce truc génial: le concours d’entrée est à la fin de la première année, il est donc ouvert à 60 personnes qui ont étudié le cinéma pendant un an. »
Également arrivée en Belgique pour suivre des études (un DES en gestion culturelle à l’ULB), la productrice Julie Esparbes (Une vie démente, sept Magritte lors de la dernière cérémonie, mais aussi la série La Trêve) confirme: « Ça m’a fait beaucoup de bien de quitter la France et son élitisme, je crois! J’avais fait Sciences Po, j’avais subi une pression constante. En arrivant en Belgique, j’ai pu décompresser. Plus qu’au CV, on faisait attention à la personne. C’était d’autres rapports humains, libérés du poids de l’excellence. En France, j’aurais dû faire des stages pendant très longtemps, postuler à des endroits où on aurait été des dizaines de candidats. Ici, j’ai fait un DES, un long stage et puis j’ai directement trouvé un travail dans une boîte de production, où j’ai pu faire mes preuves et devenir productrice assez rapidement. J’ai bénéficié d’un espace de confiance et de liberté dont je n’aurais pas pu trouver en France, où les choses sont plus figées hiérarchiquement. »
L’entrée dans la vie active est facilitée par une plus grande horizontalité des fonctions, ou encore une certaine perméabilité dans les possibilités d’évolution. « Ce que j’aimais bien en Belgique, raconte le producteur et réalisateur Guillaume Malandrin (Je suis mort mais j’ai des amis), c’est que tu pouvais être assistant réal le mardi et travailler sur une pub le mercredi, scénariste sur un long en fin de semaine et producteur le week-end. Il y avait une vraie ouverture. Alors qu’en France, tu étais complètement catalogué. »
Bruxelles -« une ville à taille humaine, mais qui a l’attrait d’une capitale, extrêmement cosmopolite en plus », précise Rachel Lang- a su retenir celles et ceux qu’elle a attirés à l’orée de l’âge adulte. La qualité de vie n’y est pas pour rien, bien sûr. Le comédien Clément Manuel se réjouit d’habiter près de la gare du Midi et d’avoir un petit jardin. Mais il vante surtout l’état d’esprit qu’il a trouvé ici, et que beaucoup apprécient: « En Belgique, on est fier d’être modeste, alors qu’en France, on est juste… fier (rires). En fait, en Belgique, on fait. En France, on est fier d’avoir fait. »
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