À l’occasion de l’expo exceptionnelle que Focus Vif et Focus Knack consacrent à l’ouvre de Guy Peellaert (1934-2008), revenons sur le sens de son ouvre via l’une des sept images qu’il créa pour notre série Il était une fois le rock l’été dernier.
Texte Philippe Cornet
Texte Philippe Cornet
Guy Peellaert n’aime pas qu’on lui marche sur les pieds, il se montre volontiers susceptible voire rancunier. D’une exigence artistique féroce – chaque détail compte -, il se fâchera occasionnellement avec ses éditeurs ou avec Nik Cohn, partenaire historique de Rock Dreams et Rêves du XXe siècle. Sous le quotidien d’homme courtois, le volcan Peellaert n’est jamais loin de l’éruption spectaculaire. Généralement, cela se transpose dans ses images explosives, mais à l’occasion, le coup de gueule visuel peut prendre un tour plus directement viril.
Peellaert a le sexe salé, assez loin du 69 des familles. Depuis les Stones en putes SM ou en nazis de Rock Dreams, en passant par le Bowie en chien lascif de Diamond Dogs et nombre de corps dénudés, Peellaert use du stupre, du sexe et du plaisir, comme d’une métaphore brûlante. Elle supporte le mépris pour la norme sociale et symbolise la transgression naturelle de son travail fait à la fois de peinture, de photographie, de collage, de trucage et de dessin original. Lio (dessinée par Peellaert pour son Wandatta en 1996) a dit de lui: » C’est une perversité vachement joyeuse. Il y a beaucoup de noir, de douleur quand même, il capte cela mais il n’y reste pas. »
Selon Michel Boujut (journaliste à Cinéma, Cinémas dont Peellart a fait le générique): » Il y a quelque chose de fascinant et d’un peu funèbre aussi dans ses £uvres, on sent derrière la plupart d’entre elles, que la mort n’est peut-être pas très loin, la fin, la chute… » Wim Wenders (cinéaste pour lequel il dessine plusieurs affiches) ajoute: » Guy, c’est un vrai peintre et il vit tellement ses tableaux (…) La mélancolie et la tragédie qu’il y a souvent là-dedans, c’est pour cela que ses images ont cette profondeur…« Michael Herr (co-auteur avec Guy de Las Vegas The Big Room) enchaîne: » La particularité du point de vue de Guy, c’est qu’il n’y a pas de petite ou de grande histoire. Tout est sur le même pied, c’est comme un rêve. »
Mitan des années soixante Peellaert s’installe définitivement à Paris. Il s’éloigne d’une histoire familiale compliquée où, fils de notable francophone catholique, il ignorera longtemps la judaïté de sa mère… Pour lui, le Plat Pays est celui d’une adolescence rebelle – le rock’n’roll fifties des vismets de Bruxelles – percutant son confort bourgeois. Le projet d’études en chirurgie fait place à l’apprentissage de la peinture monumentale – à Bruxelles -, puis à celui des techniques de collage: » Je devais découper, c’est finalement ce que j’ai fait », disait Peellaert en référence à ses études avortées. Belge un jour, Belge toujours: dEUS était dans la B.O. de ses funérailles, en novembre, aux côtés des Stones, Johnny Cash et Janis Joplin.
L’artiste entretient un rapport complexe à la célébrité: il en badigeonne ses images jusqu’à la nausée, poussant à l’extrême les quinze minutes de gloire warholienne. Le principe même de son travail est de confronter la popularité des étoiles – filantes ou pas – à leur quota d’humanité. Il taille donc une nouvelle vie aux rock stars ( Rock Dreams) et multiplie les rencontres imaginaires (Mohammed Ali en virée avec Jackie Kennedy, Prince et Lady Di dans Rêves du XXe siècle). Il admet son propre statut de bâtard artistique mais a besoin de reconnaissance. Se définissant comme un grand coquet, il n’en laissait, bien sûr, rien paraître.
Les citations sont extraites du documentaire Peellaert, vérités et mensongesréalisé en 2002 par Philippe Cornet.
Expo du 2 au 31 mai à la Galerie Arte Ventuno, 96B rue Blaes à 1000 Bruxelles, du jeudi au dimanche de 14 à 18 heures. Pour être l’un de nos 5×2 invités au vernissage le 7 mai, en présence de nombreux artistes belges, envoyez un mail avec le code « Rock dreams » à l’adresse focus@levif.be
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