COMME UN OURAGAN – HBO FILME LA NOUVELLE-ORLÉANS QUI SE RECONSTRUIT APRÈS KATRINA. ET DONNE À ENTENDRE LE MEILLEUR DE LA MUSIQUE LOCALE.
UNE SÉRIE HBO CRÉÉE PAR DAVID SIMON ET ERIC OVERMYER. AVEC JOHN GOODMAN, KHANDI ALEXANDER, MELISSA LEO. COFFRET 4 DVD. DIST: WARNER.
Treme (prononcer Treh-may) est le nom d’un quartier pauvre de la Nouvelle-Orléans, une zone peuplée surtout d’Afro-Américains où, depuis toujours ou presque, il y a une tradition de brass bands, ces groupes de musique qui s’appuient essentiellement sur des cuivres. Un lieu qui a été complètement ravagé par l’ouragan Katrina, en août 2005, et que cette fiction créée par le père de la série The Wire (considérée comme la meilleure fiction télé jamais produite) a décidé de filmer trois mois (fictionnels) après la catastrophe. Plus qu’une série, Treme est un « documentaire de fiction » sur la Nouvelle-Orléans dévastée. Un documentaire où il ne se passe rien ou presque, sinon le quotidien de citoyens comme les autres, entre réparation personnelle et matérielle.
C’est donc le calme après la tempête, et les habitants du coin essaient de se reconstruire un semblant de vie. On suit plus particulièrement quelques personnages qui ont un credo relativement similaire: « The show must go on. » Une patronne de restaurant, un chef indien star du carnaval, un DJ animateur radio, un tromboniste, et un prof. L’enseignant est interprété par John Goodman ( The Big Lebowski, La famille Pierrafeu…), un comédien qui habite lui-même à la Nouvelle-Orléans, et qui apporte donc une touche de crédibilité supplémentaire à la série. Goodman qui interprétait d’ailleurs l’un des rôles principaux de l’avant-dernier film de Bertrand Tavernier, In the electric mist, dont l’intrigue se déroulait également à Big Easy. Et ce n’est pas tout puisqu’il a aussi doublé un personnage du long métrage d’animation de Walt Disney, La Princesse et la grenouille, qui investissait de même la métropole louisianaise, dans un décor cette fois tout à fait enchanteur. Le comédien offre à la première saison de Treme un final aussi saisissant que bouleversant, une séquence d’une rare intensité dramatique dans un portrait de ville impressionniste.
Utilité publique
La musique est omniprésente (de Mystikal à Louis Armstrong), la douleur aussi, et on sent partout un envoûtant mysticisme. Le rythme adopté par Treme est très lent, son optique très contemplative, et son récit peut avoir l’air vraiment anodin parfois -on passe ainsi des heures sur un trou dans le toit d’un café qui devrait être réparé mais qui ne l’est pas… Mais pour qui prendra le temps de l’apprivoiser, cette série tout à fait hors-normes séduira par sa subtilité, son intelligence et son utilité publique: elle ouvre opportunément les yeux sur la catastrophe Katrina, la gestion calamiteuse de l’après, et la solitude de ses rescapés. Sa troisième saison sera diffusée cet automne aux Etats-Unis, malgré les audiences confidentielles des deux premiers volets, nouvelle preuve de la rassurante politique qualitative de la chaîne à péage HBO, inédite sous nos latitudes (la politique comme la chaîne).
MYRIAM LEROY
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