Synthé bonheur
Avec son nouvel album, Kaitlyn Aurelia Smith évite les pièges new age, conduisant ses machines dans des paysages sonores amples et bienveillants.
Sur la pochette de son dernier album, l’Américaine Kaitlyn Aurelia Smith est cabrée dans une pose de yoga -elle en enchaîne encore d’autres sur son Instagram. La musicienne électronique pratique depuis longtemps. L’an dernier, elle ressortait d’ailleurs son disque Tides, sous-titré Music for Meditation and Yoga. À bien des égards, The Mosaic of Transformation en est le prolongement. Ou plutôt l’expansion.
En 2017, la Californienne avait réussi à agrandir son audience avec le succès de The Kid, mélangeant nappes électroniques et envies pop. Cette fois, l’univers se fait plus planant et délié, comme flottant en permanence dans un bain sonore réconfortant. Ce n’est pas complètement étonnant de la part d’une musicienne obsédée par le son spatial des synthés modulaires Buchla -que leur inventeur, le pionnier Don Buchla, équipait volontiers d’un système optique, utilisé notamment par le Grateful Dead lors de ses concerts psychédéliques.
Pour The Mosaic of Transformation, Smith explique ainsi avoir été inspirée par le principe d’électricité et comment il se traduit dans le corps humain. Dans une interview (pour le magazine online Magnetic), elle racontait notamment: « Chaque chanson est un peu comme une section du système nerveux », avant d’ajouter plus loin: « le système nerveux en lui-même fonctionne comme un synthétiseur dont les différents composants retiennent et contrôlent les signaux électriques de différentes manières ». C’est d’ailleurs à partir de cette idée que Smith a mis au point une sorte de langage visuel, avec l’aide de yogi, où chaque posture du corps -dont celle de la pochette- traduirait un influx électrique…
Be kind
Comme l’ambient, la musique méditative a toujours constitué un paradoxe en soi -à la fois clairement identifiée et destinée à se faire oublier (au risque de sonner creux); purement utilitaire tout en revendiquant une valeur artistique (avec le danger de sonner prétentieux). Avec ces relents new age, The Mosaic of Transformation n’échappe pas à ce genre de contradictions. Jamais cependant, il ne paraît désincarné ou vaporeux. Au lieu de ça, il alterne les sons d’orgue et de vibraphone avec les dilatations des synthés, tournant autour des motifs chantés par Smith, avec une chaleur et une bienveillance qui permettent d’éviter l’exercice de style désincarné -à l’image du morceau The Spine Is Quiet In the Center, et ses textures synthétiques chatoyantes. En toute fin, les dix minutes d’ Expanding Electricity subliment encore un peu plus une musique électronique qui se veut aussi sincère que luxuriante.
Évidemment, en atterrissant dans un monde particulièrement chamboulé et anxiogène, le parti pris musical de The Mosaic of Transformation, aussi fascinant soit-il, pourra paraître à certains comme légèrement déplacé ou naïf. Mais les autres y trouveront une source de réconfort particulièrement attachante.
Kaitlyn Aurelia Smith
« The Mosaic of Transformation »
Distribué par Ghostly International.
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