Imaginé par Rob-Vel en 1938, le personnage de Spirou a traversé le temps. Cette longévité, le groom du Moustic la doit, en grande partie, aux nombreux dessinateurs qui lui ont donné vie.

En quoi Spirou et Tintin sont-ils différents? Par leur chevelure? Houppette blonde pour l’un, tignasse rousse pour l’autre. Leur compagnon respectif? Spip l’écureuil d’un côté et le chien Milou de l’autre. Ou alors Haddock et Fantasio. Ou encore les géniaux génies que sont Tournesol et le Comte de Champignac… A y regarder de plus près, ces différences s’apparenteraient plutôt à des ressemblances. Ce qui distingue réellement ces deux légendes de la BD, c’est leur géniteur. Là où Hergé et ses ayants droit ont accompagné Tintin comme des belles-mères jalouses, Robert Velter, alias Rob –Vel, a su jouer les pères prodigues aidé, il est vrai, par la guerre. A peine lancé dans le journal éponyme, Spirou est, en effet, abandonné par son créateur pour cause de mobilisation. Joseph Gillain, dit Jijé, reprend le groom du Moustic Hotel en lui adjoignant un équipier loufoque en la personne de Fantasio. En sa compagnie, Spirou commence à parcourir le monde. Ce sera le début de la série des Spirou et Fantasio (1).

LES ANNéES FRANQUIN

Dès 1947, Franquin étoffe le personnage et son univers. Sous son crayon apparaissent des personnages secondaires incontournables comme Pacôme de Champignac, le Marsupilami ou encore Zorglub et la jolie Seccotine. Spirou prend du corps, il devient plus sérieux et s’intéresse aux problèmes du monde dans lequel vit son auteur. Début des années 70, sous l’impulsion de Jean-Claude Fournier, sa mutation se poursuit et ses préoccupations se tournent vers l’écologie, l’énergie nucléaire et le surnaturel. Des thématiques résumées dans un album comme l’ Ankou. Son côté humain et ses faiblesses, Spirou va les acquérir sous la férule de Tome et Janry, qui n’hésiteront pas, avec la Machine qui rêve, à proposer l’une des seules aventures de Spirou destinée à un public adulte. Paradoxalement, c’est également ces deux auteurs qui offriront une jeunesse et des parents au personnage avec la série du Petit Spirou.

Figé dans la résine de ses statuettes, Tintin s’est arrêté de vivre le 3 mars 1983, jour de la disparition d’Hergé. Au contraire, Spirou a su tirer le meilleur des auteurs qui ont bien voulu lui prêter vie. Au prix de quelques errements parfois, il a évolué avec son temps. Raison pour laquelle il fera encore longtemps partie de l’imaginaire des enfants de 7 à 77 ans.

(1) L’intégrale des aventures de Spirou et Fantasio est actuellement rééditée chez Dupuis.

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VINCENT GENOT