DE SIBYLLINE ET NATACHA SICAUD, ÉDITIONS DELCOURT
Le vert pisseux de la couverture place d’emblée le lecteur dans l’ambiance: les 140 prochaines pages, il va les passer dans les murs du Centre hospitalier Sainte-Anne, à Paris. Un mois dans un service psychiatrique pour suivre Aline, qui vient de faire une tentative de suicide médicamenteuse. Aline, c’est Sibylline, la scénariste, quand elle avait 16 ans. » Cet album n’est pas le résultat d’un besoin impérieux d’exorciser un moment de mon existence. C’est juste une histoire que j’avais à portée de mains et que je connaissais bien. Même si je reconnais que cette écriture m’a permis de mettre de côté certaines choses. » Pas de pathos au menu, juste le quotidien du service avec ses horaires réguliers, l’impression de ne pas être entendue par les spécialistes et le partage d’expériences avec d’autres malades. Même le trait est léger. » Il ne pouvait pas y avoir de dessins lourds et noirs pour raconter cette histoire. Je ne voulais pas d’un livre triste qui plombe. » Reste que le propos est sérieux et qu’il ouvre certains questionnements. Ainsi, on est impressionné par la mise en cause de la famille qui semble avoir abandonné l’adolescente. » Ce n’est pas un livre qui a été fait dans la colère ou le reproche. Ce n’est pas un livre de jugement. Je parle de ma perception de leur gestion sur l’instant. Aujourd’hui, avec le recul, je me rends compte qu’ils ont fait ce qu’ils pouvaient avec une adolescente en crise. » Excellente idée de la scénariste, l’histoire se termine par la consultation de son dossier quelques années après les faits. » J’ai été bouleversée en le lisant. Je me suis rendue compte que les gens qui me paraissaient indifférents faisaient vraiment attention à moi. Ces gens qui sont hyper professionnels avaient saisi en quelques entretiens l’essence même de tous les troubles familiaux qui m’avaient amenée là. » En plus d’être une BD captivante, cette immersion toute en finesse dans un moment difficile de la vie d’une adolescente rappelle que les jeunes sont plus fragiles qu’ils ne le laissent paraître. Il n’est jamais inutile de bien les écouter. l
VINCENT GENOT
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