Fable à l’italienne – Incontournables dans les années 70, les auteurs italiens peinent à retrouver la place qu’ils méritent dans la BD européenne. Reconnue en Italie, Vanna Vinci l’est encore peu ici.
De Vanna Vinci, chez Dargaud, 150 pages.Ce n’est pas la même ville, ce ne sont pas les mêmes personnages ni, bien entendu, le même dessinateur et les mêmes dessins… Pourtant, il y a un peu de Fable de Venise dans Sophia, la fille en or de Vanna Vinci. » A l’âge de 17 ans, explique la dessinatrice italienne, j’ai commencé à m’intéresser à la bande dessinée en suivant les aventures de Corto Maltese. Pratt et son univers ont donc eu une importance dans la manière dont j’ai abordé ce métier. Et puis, il est toujours un peu difficile de se séparer de l’univers de Pratt… »
Pourtant, entre les personnages de Corto et de Sophia, il n’y a pas l’ombre d’un point commun. Sophia dessine des BD. » Même s’il y a toujours un peu de moi dans mes livres, l’histoire de Sophia n’est pas autobiographique » , s’empresse de préciser Vanna. Mais Sophia a surtout une autre grande passion: l’alchimie. A la suite d’une rupture, la jeune femme quitte sa Sardaigne ensoleillée pour Bologne, ville inopinément magique. C’est là que l’on retrouve l’ombre de Pratt, dans la manière dont Sophia aborde la nouvelle ville et ses habitants.
Comme Corto, elle débarque les mains dans les poches et sans avoir l’air d’y toucher, elle construit son histoire en accompagnant, un instant, celle des autres. Elle est curieuse, questionne souvent, répond rarement aux interrogations qu’elle suscite et n’hésite pas à s’embarquer avec une certaine insouciance dans des rencontres saugrenues. Et puis, il y a cette histoire de Grand îuvre qui rappelle la Cabale si chère à Pratt. » Cette histoire d’alchimistes, je l’ai imaginée après avoir lu un article sur un vieux notaire, sourit Vanna. En parallèle à son travail, il pratiquait des recherches alchimistes dans sa cave. Le personnage de Sophia agit de même. Sauf qu’elle se trouve en même temps qu’elle progresse dans sa quête de la pierre philosophale. En parallèle, on peut également suivre les expériences de son mentor, le vieil Hermès. Comme Hermès et Sophia cherchent la même chose, mais à des âges différents, cela me permet de livrer plusieurs recettes pour se trouver soi-même et rester jeune à jamais. »
Tradition en noir et blanc
A l’époque où la télévision n’avait pas encore envahi les foyers, la BD italienne a forgé sa légende en noir et blanc. Cette bichromie, on la retrouve dans Sophia. » La BD italienne a une très longue tradition du noir et blanc derrière elle, reprend Vanna. Ce savoir-faire, on l’a oublié dans les années 1980. Mes premiers albums ont d’ailleurs tous été publiés en couleurs. Ce sont les mangas qui ont réhabitué le lecteur à la bichromie. Pour mon plus grand bonheur puisque j’adore ce style qui met en valeur la force du trait et permet des mises en page épurées. C’est dans ces dessins-là que je retrouve les auteurs incontournables que sont Fred et Guido Crepax. »
www.vannavinci.it
Vincent Genot
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