SNML. Anatomie d’une contrefaçon
C’est la plus rocambolesque des histoires ayant secoué le monde des ouvrages savants. En juin 2005, la librairie de livres anciens Martayan Lan suscita une excitation sans précédent en annonçant s’être procuré un exemplaire du Sidereus Nuncius, le traité par lequel Galilée avait consigné, tout au long de l’année 1610, les observations qui lui permirent de confirmer la théorie héliocentrique de l’univers émise un demi-siècle plus tôt par Johannes Kepler. Comme le prouva, après quatre années d’analyses sans précédent dans l’Histoire de l’expertise du livre, un collectif de chercheurs dirigé par l’historien de l’art allemand Horst Bredekamp et Paul Needham, le directeur des collections spéciales de la bibliothèque de l’université de Princeton, il s’agissait d’un volume exceptionnel. Entre autres indices, les illustrations de la Lune qui y figuraient attestaient de ce qu’il comptait sans doute parmi les 30 exemplaires du premier tirage que Galilée s’était réservés à son usage personnel -exemplaires qui étaient demeurés, à sa demande, exempts des gravures ornant les autres. Acheté 500 000 dollars à un marchand italien, Massimo De Caro, il fut mis à prix par Martayan Lan pour la somme de dix millions, tant la trouvaille était unique et comblait un vide dans l’Histoire d’une des découvertes les plus prodigieuses des sciences. Il n’y avait qu’un seul problème: le SNML, ou Sidereus Nuncius Martayan Lan, comme la copie fut baptisée, était un faux. Il fallut la révélation des incroyables malversations de De Caro, alors directeur de la bibliothèque de Naples, pour que les chercheurs, revenant sur leur propre travail, finissent par percevoir l’arnaque dont ils avaient été l’objet -une arnaque que De Caro, par défi, avait pour ainsi dire construite à leur destination. Pourquoi? Comment? On l’apprendra en lisant les pièces sidérantes de l’affaire, réunies et préfacées par Alexandre Laumonier dans SNML, un livre aussi beau et dingue que le Sidereus Nuncius lui-même.
Collectif, éditions Zones Sensibles, traduit de l’anglais par Christophe Lucchese et Arnaud Baignot, 144 pages.
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