Road trip empathique
Les deux derniers épisodes de Life Is Strange 2 forment Un road trip furieusement attachant, entre immigration et famille brisée.
Life Is Strange 2 marque un tournant dans le monde des jeux vidéo hébergés par de grands éditeurs. Depuis près de 40 ans, Electronic Arts ou Activision évitent en effet tout thème sociétal et politique. Mais Square Enix épaule, depuis un an, ce road movie entre replis xénophobes, homosexualité, fanatisme religieux et maternité non assumée. Lâchés en août et en décembre dernier, les deux ultimes épisodes (sur cinq) de ce récit d’exil bouclent ce jeu d’aventure aux airs de Livre dont vous êtes le héros. De quoi inspirer une industrie gaming souvent en manque de sens?
La première saison de Life Is Strange brossait avec doigté les affres de l’adolescence, sur fond de pouvoirs surnaturels. Entre blessures familiales, cyberharcèlement, suicide et amitié recomposée, Christian Divine et Jean-Luc Cano y déroulaient un teen movie introspectif et sensible. Dontnod abandonne les héroïnes du premier volet pour partir en cavale avec deux jeunes frères poursuivis par le FBI. Jeté sur les routes suite à la mort de leur père, Sean, l’aîné, tente de dompter les pouvoirs télékinétiques de Daniel, son cadet.
Deux fils peuvent-ils renouer des liens avec une mère qui les a abandonnés dans leur prime enfance? Avec une incroyable justesse, les deux derniers épisodes de Life Is Strange 2 laissent habillement le gamer trancher. Les deux points de vue du drame sont exposés avec doigté. Au joueur de construire sa réaction, via des comportements secs ou plus chaleureux envers la maman retrouvée de Sean et Daniel.
On dirait le Sud
Cette intrigue bouleversante -inédite dans un jeu vidéo- se ponctue d’une foule d’événements vécus par les kids en route vers le Mexique. Coincé à l’hôpital après un grave incident dans une plantation de cannabis, Sean se retrouve interrogé par le FBI et sans nouvelle de Daniel. Le garçon, capable de faire léviter des objets, a été embrigadé dans une secte religieuse du Nevada. D’un hommage à la non-violence de Gandhi à une vie de néo-hippies reclus dans le désert, Life Is Strange 2 transforme chaque halte en moment fort.
Certes, le jeu évoque la xénophobie de l’Amérique pro-Trump au fil d’une morale simplifiée. On se retrouve ainsi incarcéré, face à des miliciens frontaliers et un couple de réfugiés mexicains pour un débat prévisible sur l’immigration. Mais les cinq épisodes de la série sont à conseiller à des étudiants de secondaire supérieur. L’empathie que le jeu vidéo permet y est ici mise à profit pour explorer toutes les zones grises de l’âme humaine, sans jugement préconçu.
Life Is Strange 2 souffre également d’un gameplay réduit à peau de chagrin. L’impossibilité de rembobiner le temps comme sur la première saison pour explorer des réalités parallèles frustre. Son incroyable BO (Whitney, Phoenix, Sufjan Stevens…) s’efface, hélas, sur les deux derniers épisodes tandis que les mouvements parfois exagérés des protagonistes les font danser comme des Sims. Un détail toutefois vite oublié face au réalisme vertigineux de ce miroir à peine déformé de notre monde.
Life Is Strange 2 (épisodes 4 et 5)
édité par Square Enix et développé par Dontnod Entertainment, âge: 18+, disponible sur PC, Playstation 4 et Xbox One.
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