Depuis une dizaine d’années, Larcenet et Ferri signent, en solo et en duo, quelques-uns des albums les plus attachants de la BD européenne. Rencontre à l’occasion de la sortie du cinquième tome du Retour à la terre.
Plonger dans un album de Manu Larcenet et Jean-Yves Ferri, c’est prendre des nouvelles de deux copains d’enfance. Des gars avec qui on aurait usé nos fonds de culotte sur les bancs de la maternelle et que l’on prend plaisir à revoir pour parler du temps qui passe de plus en plus vite. » Pourtant, avec Ferri, on ne se connait que depuis 1994, précise Larcenet. On n’a pas tout de suite été de grands amis. Moi, j’étais un vrai type de la banlieue… » » Et moi un homme de la campagne, explique Ferri avec son accent du sud. Jeunes dessinateurs à peine débarqués dans les pages de Fluide Glacial , nous faisions tapisserie à une fête donnée par l’éditeur au Cirque d’hiver de Paris. » » Je devais téléphoner à mon frangin, se souvient Larcenet, mais je n’avais plus de monnaie. Ferri m’a prêté l’équivalent de quelques euros. » » Quelques semaines plus tard, reprend Ferri, j’ai reçu un chèque de Larcenet. Comme le petit croquis qu’il avait réalisé sur le chèque avait plus de valeur pour moi que les quelques euros qu’il me devait, j’ai décidé de ne pas l’encaisser. Par contre, je lui ai envoyé un petit dessin pour le remercier. Et il m’a répondu de même… Voilà comment notre correspondance et notre collaboration ont débuté. »
Pour Les Révolutions, le cinquième tome de la série du Retour à la terre, Ferri continue de scénariser les tribulations de Manu Larcinet, l’alter ego papier de Larcenet. Citadin fraîchement débarquédans la cambrouse, Larcinet apprend à s’occuper de sa petite fille depuis que sa compagne a repris ses cours à la fac. Entre deux dessins, un biberon et les coups de fil à son éditeur, il tente également l’expérience du bricolage en réalisant une chatière pour le félin de la famille. Chatière que la fillette s’empressera d’emprunter pour s’en aller chatouiller le museau du taureau du pâturage d’en face… Dispute avec la douce moitié garantie, mais pas de véritables révolutions en vue.
Par petites touches
« Révolution est un mot qui peut avoir plusieurs sens, précise Ferri. Manu vit des révolutions intérieures, il évolue. Il a un enfant. Il émerge de sa torpeur. Une révolution, c’est également revenir à son point de départ. Il est un peu cyclique le Manu du Retour à la terre . Un brin cyclothymique aussi. Ses révolutions sont petites. Mais il commence à regarder le monde. Une ouverture aux autres qui se poursuivra probablement dans les prochains albums. Mais il lui faudra du temps. On ne veut pas arriver avec de grosses ficelles ni de grands slogans pour dire notre vision du monde. Les choses doivent arriver naturellement. « » D’ailleurs, conclut Larcenet, les gens se parlent souvent sans vraiment se comprendre. C’est donc par petites touches, en laissant les choses se décanter, que l’on souhaite livrer notre regard sur l’évolution du monde. »
Vincent Genot
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