AVEC FRED DUVAL, SCÉNARISTE PHARE DE LA MAISON DELCOURT, LA SCIENCE-FICTION DEMEURE UN EXCITANT TERRAIN D’EXPÉRIMENTATION. LA PREUVE PAR DEUX.
Travis (T.11) (1) – Carmen Mc Callum (T.15) (2)
DE FRED DUVAL ET CHRISTOPHER QUET, ÉDITIONS DELCOURT, 48 PAGES. (1)
DE FRED DUVAL ET EMEM, ÉDITIONS DELCOURT, 48 PAGES. (2)
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Fred Duval, scénariste de son état, officie depuis maintenant plus de 20 ans au sein des éditions Delcourt. Il est le fils spirituel de l’ex-tandem Cailleteau et Vatine, à qui l’on doit notamment la série Aquablue. C’est sous leur haut patronage qu’il fut introduit dans la maison et c’est avec leur aide qu’il créa Carmen Mc Callum. Deux ans plus tard, il donne jour, seul cette fois, à Travis, dont les aventures se déroulent dans le même univers que celui de la belle Hispano-Irlandaise. Carmen est la fille d’un membre de l’IRA recomposée. Elevée à la mode barbouze, elle loue ses services musclés au plus offrant. En ces années 2050, les intelligences artificielles sont omniprésentes, tout comme un truc du genre réseau mondial virtuel. Elle n’est pas très regardante sur l’éthique de ses commanditaires, l’important restant finalement les chiffres qu’annoncent ses relevés bancaires. Pourtant, elle va petit à petit se forger une conscience en acceptant des missions plus raccords avec ses convictions humanitaires naissantes. Travis, lui, est un routier de l’espace qui fait des trajets terre/stations orbitales avec sa navette payée à crédit. Il a toujours le chic pour se retrouver là où il ne faut pas et son côté bon samaritain l’empêche de faire le choix rationnel pour sauver ses miches. Au fil de ses aventures, on se rend compte que sa présence sur des lieux de crise n’est pas tout à fait anodine.
Hard science-fiction
Sous des dehors police/bandits de l’espace, Fred Duval développe un futur proche pas très réjouissant et hélas fort inspiré des dérives de notre société actuelle. Le monde est dominé par des multinationales qui se font une guerre de monopole à peine dissimulée, et dont les répercussions sont rien moins que d’ordre géopolitique. Au milieu de tout ça, l’ONU tente tant bien que mal de conserver un semblant d’humanité. Pour pimenter le tout, Duval saupoudre ses récits d’une bonne poignée de nano et biotechnologies. N’oublions pas que Mc Callum et Travis sont respectivement créées en 95 et 97 et que les technologies susmentionnées commencent seulement à faire leur apparition dans le divertissement populaire. Si on parle moins de réalité virtuelle aujourd’hui, on peut par ailleurs constater que ce fameux réseau mondial a pris une place non négligeable dans notre vie de tous les jours.
Attention, Fred Duval n’est pas un pur créateur; il est sans doute un grand lecteur de Gibson, Sterling et autres écrivains visionnaires, mais il continue de construire avec ses deux séries phares un univers réaliste, sombre et intelligent où les valeurs sociales et écologiques n’ont plus trop droit de cité. Soulignons enfin que, a contrario de la mode américaine du crossover, Carmen et Travis ne se rencontrent jamais, si ce n’est dans des séries dérivées plus dispensables.
COLIN BOUCHAT
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