AVEC LE 3E ALBUM DE METRONOMY, THE ENGLISH RIVIERA, JOSEPH MOUNT RÉUSSIT SON VIRAGE PUREMENT POP APRÈS L’EXPLOSION NIGHTS OUT. UNE GAGEURE: LA PRESSION ÉTAIT FORTE. DÉFI RELEVÉ, AVEC MENTION.

La vingtaine déclinante, cheveux en chou-fleur, visage bonhomme, le leader de Metronomy parle sport. Pas n’importe quel sport. Joseph Mount parle cricket. En explique les règles, le déroulement. Muscle l’argumentation devant l’incrédulité des quelques privilégiés des backstage, pour qui cricket, curling ou crosse canadienne vivotent dans le même panier percé des sports improbables. « J’adore l’idée d’interrompre la joute pour prendre le lunch, puis prendre le thé. C’est classe. «  Etalée dans les vapeurs du vieux Molenbeek, là où le cricket est à la population locale ce que le CAC 40 est aux réfugiés palestiniens, la petite salle du VK résonne encore, ce soir-là, du final envoûtant livré par le groupe. Un concert enthousiaste et enthousiasmant, à défaut d’être complètement irrésistible. Ce qui fait bouger les corps, aujourd’hui encore, c’est moins l’arrivage des perles neuves et délicates de The English Riviera que l’avalanche de tubes en puissance couchés sur Nights Out (2008), l’album qui fit connaître Metronomy à la hype internationale. Un album frénétique, urgent, électro dans les coutures, mais déjà pop dans la structure imparable de ses têtes de wagon, Heartbreaker et A thing for me.

L’attente, chez les fans comme chez les connaisseurs, aurait pu, ou dû, tétaniser son homme. Manifestement pas Joseph. Le tournant purement pop pris par le nouvel opus, étrenné dans un concert globalisé de louanges, ne laisse planer aucun doute sur la qualité du pilote. Pari gagné. « Ce que j’aime dans le nouvel album, c’est qu’on y sent une sorte d’assurance, une véritable confiance. Même au moment où nous tournions avec Nights Out , les gens étaient déjà impatients de savoir ce qui viendrait ensuite. Tout le monde veut tout et tout de suite, veut tout comprendre, et rapidement vu le nombre d’albums qui sortent en même temps. Mais je n’ai jamais ressenti la pression, simplement parce que j’étais convaincu que The English Riviera serait meilleur que le précédent, ou en tout cas plus intéressant. Je ne veux pas paraître arrogant, mais je sais qu’en moi, il y a au moins 5 bons albums qui peuvent germer. Je connais mes limites, mon potentiel. Et peut-être qu’après 5 albums, ma musique empirera. «  Joseph dit « je » quand on pourrait attendre un « nous ». La pression, chez Metronomy, c’est lui qui la supporte seul. Parce qu’il écrit seul. Compose seul. Puis distribue les partitions. Une sorte de dictature éclairée au talent.

 » Pas diluer mon songwriting »

Quatuor après avoir été trio (la batteuse Anna Prior et le bassiste Olugbenga Adelekan ont été intégrés en remplacement de Gabriel Stebbing), le groupe obéit donc aux impulsions de son leader. Des impulsions qui menèrent Metronomy en studio là où les 2 premières fournées de Joseph, dont le méconnu Pip Paine (Pay the £5000 You Owe), sortaient, fumantes et trébuchantes, d’un four exhalant étrangement des odeurs de chambre geekienne. « Travailler en studio s’est révélé un pur plaisir, que je ne connaissais pas. Je sais maintenant qu’il faut répéter les chansons avant de les enregistrer, et j’ai adoré ça! », confie le natif du Devon, étudiant à Brighton et finalement tête pensante d’un groupe en pleine bourre. Quant à savoir si le seigneur Mount finira par laisser ses vassaux fignoler la pâte avec lui… « Le processus d’enregistrement en studio apporte forcément davantage d’interactions. Mais je pense aussi que ce qui plaît, chez Metronomy, c’est mon songwriting et mes compositions. Je ne veux pas diluer ce capital juste pour le plaisir de le faire. «  Les points sur le Y d’un Metronomy dont on ne peut que louer l’incroyable capacité à rendre simple ce qui paraît compliqué. Et à complexifier ce qui paraît simple.

Un morceau comme Corinne, porté par un gimmick clavier aussi limpide qu’élémentaire, emmène les paroles douces-amères de Joseph sur un terrain coloré, un terrain où l’on aurait envie de balancer doucement la tête, les épaules, et de siffler ces quelques notes souriantes. La force de Metronomy, dans ce 3e album, c’est l’évidence pop. La chanson qui reste en tête sans qu’on s’en inquiète. Ou celle qui obsède véritablement, comme Love Underlined, conclusion enivrante d’un album baladé entre percées d’énergie et lames de douceur. Tout en retenue. La synthèse de la Riviera, She Wants, n’est peut-être pas son morceau le plus percutant, mais il marque l’évolution d’un groupe devenu post- « intelligent dance music electro-pop », pour reprendre l’étonnant (mais pas si bête) descriptif de Wikipedia. Danser intelligemment… C’était vrai pour Nights Out. Avec The English Riviera, Joseph nous livre la bande-son du bien-être, et plus seulement le manuel intello-spontané du dancefloor. Forcément, comme 98 % des musiciens, le vingtenaire déteste les étiquettes. Mais se revendique pop. « Si Stevie Wonder sortait son album Innervisions aujourd’hui, les gens l’appelleraient comment? Il y a des sons électroniques dedans, mais c’est très funky en même temps. Ça pourrait s’appeler électro-pop, mais ça ne l’est pas. C’est juste de la pop. J’aimerais que, dans 10 ans, Metronomy soit considéré juste comme de la pop. » Exaucé en ce qui nous concerne. Prochaine étape? Plus d’instruments encore. Plus de studio, plus d’expérimentation. Ça y est, le kid est lâché dans le magasin de jouets. On peut aller boire un café en l’attendant. Sans s’inquiéter. l

u METRONOMY, THE ENGLISH RIVIERA, DISTRIBUÉ PAR WARNER. ****

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