À Zinder, au sud du Niger, au cœur du Sahel, le quartier de Kara-Kara est historiquement celui des lépreux, des aveugles, des mendiants et des parias. Un repaire de défavorisés où vivent encore aujourd’hui les plus démunis, relégués par une société qui n’a jamais su les blairer. À Kara-Kara, les gangs s’appellent des “Palais”. Ils sont craints et redoutés. Leurs membres actifs ou repentis (l’un joue aujourd’hui au taxi moto) ont accepté qu’Aïcha Macky, une fille de la ville, raconte leur histoire, se penchant sur leurs méfaits, leurs destins et les affres de leur quotidien. Bandits, voleurs, assassins… C’est comme ça qu’on les voit et beaucoup ne font pas en sorte qu’il en soit autrement. “ Si une bagarre éclate, on se jette dedans, explique un de ces gros durs. Quand une bande nous manque de respect, on fait une descente et on défonce tout le monde. On casse tout et on rentre.”
Le gang Hitler (“ c’est le nom d’un gars en Amérique, un guerrier redoutable à ce qu’il paraît”) avec ses drapeaux floqués de croix gammées est l’un des plus célèbres du coin. Pas de revendication idéologique ici. Juste une démonstration de force pour des mecs qui passent leurs journées à se promener sur leurs bécanes, soulever de la fonte et bander leurs muscles. S’ils matent sur leurs portables, interloqués, des lapidations exercées par les djihadistes de Boko Haram, les caïds de Kara-Kara s’inspirent du cinéma et de leurs voisins “en avance” comme le Nigeria. Avec le temps, les poings, les ceintures cloutées et les bâtons ont fait place aux machettes. Ils racontent l’herbe et le tramadol. Leurs blessures et leurs cicatrices. Les passages à tabac et les viols de filles en jupe.
En attendant, les membres d’Hitler ont pour projet d’ouvrir une société de gardiennage et récoltent de l’argent. Ils bossent comme des forçats dans une carrière pour ensuite pouvoir lancer leur affaire. Triste histoire d’une jeunesse abandonnée, sans emploi, sans argent, qui cherche un moyen de survivre que l’État ne lui offre pas (dans le quartier, beaucoup n’ont même pas d’acte d’état civil), Zinder s’inscrit dans le cadre de Generation Africa, une collection de 25 documentaires réalisés par des cinéastes africains issus de seize pays différents. Tous (de Lagos Tanger, aller simple à De l’argent pour maman au Zimbabwe) seront disponibles dès le 10 juin sur arte.tv. Un continent aux réalités plurielles capté par la multiplicité des regards.
Documentaire d’Aïcha Macky.
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