GOD SAVE THE CAVE – Les veines gonflées d’une sonorité acide, le blues à personnages cramés de Nick Cave confirme son talent d’expert biblique… Lazare vient nous sauver.
« DIG, LAZARUS, DIG!!! »
Distribué par EMI. Le parcours géographique qui amène Cave à vivre à Londres, Berlin ou Sao Paul, a épaissi et diversifié ses chansons, les chargeant de personnages de fiction plus ou moins réalistes. Synthèses probables de rencontres hautement électriques. Mais toujours soumises à la Loi divine. C’est la leçon du premier morceau de ce quatorzième album qui rentre en trombe dans le lard du rock avec ses remugles acides, son blues compressé et, last but no least, cette vieille danseuse de Nick qu’est l’obsession pour les idiomes religieux. DIG, LAZARUS, DIG!!! – en lettres capitales – offre le casting principal à Lazare, pote de Jésus que ce dernier ressuscita pour en faire un symbole durable du christianisme.
» Lazare sert de guide dans ce monde narcoleptique où il croise des personnages comateux, hypnotisés, défaits« , explique Cave dans une récente interview à la BBC. De fait, dans ce premier titre – et plage titulaire -, Lazare croise la route de Larry » de plus en plus névrotique et obscène (…) laissant les femmes qu’il rencontre rentrer au foyer avec un sourire secret« . Quelque part entre ces deux axiomes du rock, séduire et prédire, s’installent les dix autres titres de ce disque où Cave s’empare de l’orgue et Warren Ellis lâche son violon pour s’essayer à la mandoline et au luth. Le beat, volontiers pressé et groovy, s’exerce sur des mélodies plutôt rauques mais séduisantes, alors que les textes font plus que jamais office de mode d’emploi expiatoire. Le récit procède volontiers par des ruptures de rythmes et est soutenu par un fleuve – littéral – de mots, le genre de babil invraisemblable dans des langues imaginaires que les évangélistes, et autres born gain, ont baptisé speaking in tongues!
LE PRéDICATEUR
On a depuis longtemps compris que Cave ferait un fameux prédicateur, avec ou sans charlatanisme. La matrice de ce DIG est la même pour toutes les chansons: le malaise de vivre et le désir d’en guérir. Pas étonnant que le Christ soit là en personne pour s’acquitter de cette vaste tâche ( Jesus Of The Moon) même si pour Cave, Jésus n’a plus très envie d’être ressuscité. » Et vous, vous en auriez envie? », demande-t-il (humour). Il s’adresse de nouveau à l’étage du dessus dans We Call Upon The Author où l’auteur est évidemment Dieu, mais aussi celui qui manie et domine les mots. Cave, donc. Même vibration dans Hold Onto Yourself où le ton rappelle que Nick a véritablement établi une nouvelle façon de chanter dans le rock, entre talk-over possédé et phrasé gospel. Ce qui revient d’ailleurs au même. Pour une fois, l’Australien laisse un peu plus de place à la guitare – crissante et pécheresse – dans des titres comme Lie Down Here (And Be My Girl). Mais à ce stade-ci du disque, le huitième morceau, on a compris que l’ex-gamin de la Bible School du dimanche en Australie ne quittera jamais son enveloppe mystique. Il en a juste tiré la semence rock’n’roll, Elvis et Jésus peuvent se retourner dans leur tombe.
u www.nickcaveandthebadseeds.com
PHILIPPE CORNET
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