Les comédies musicales font un retour en force, à Broadway comme chez nous. Les thèmes classiques y cÔtoient les concepts les plus décalés.
Paillettes, vocalises, entrechats, courbettes, riffs gentils et clavecins synthétiques, saluts et rideau. Voilà en avance rapide à quoi ressemblent les deux heures de Mozart, l’Opéra Rock, la nouvelle comédie musicale des producteurs Dove Attia et Albert Cohen. Deux heures assez moyennes, durant lesquelles on se demande un peu à quoi la production a passé son temps, durant les deux années nécessaires à la mise sur pied de ce spectacle à gros budget, héritier du Roi Soleil, de Cléopâtre et autres Dix commandements. Bon sang mais c’est bien sûr: à la promotion dudit show!
Le dispositif marketing articulé autour des grosses productions du genre est effectivement ahurissant. Etapes obligées: d’abord le buzz sur la composition de l’équipe (ici, le cinéaste Olivier Dahan à la mise en scène pour titiller la curiosité), ensuite la mise sur le marché d’un single, puis de deux (trois, quatre…), histoire d’assurer quelques liquidités à la production, promo télé et radio et enfin, plus tard, bien plus tard, le spectacle proprement dit assorti de son album intégral. Il faut croire que la machinerie fonctionne: le show semble promis à un bel avenir dans les salles de spectacle (1) puisqu’il joue déjà les prolongations jusque fin décembre au Palais des Sports de Paris.
La stratégie marketing donc, et l’engouement du public pour le genre. La comédie musicale fait effectivement un retour en force, un boum comparable au pic de l’orée des années 2000, qui avait vu exploser la discipline sur les scènes françaises. Aujourd’hui, de Broadway à West End en passant par Haidian District (district pékinois où l’on construit un complexe de 32 salles dédiées aux comédies musicales), tout se joue en musique, pieds au plancher.
Tout. De la vie d’Abba à celle de Mary Poppins en passant par un récit inspiré de la carrière de Joséphine Baker ( A la recherche de Joséphine de Jérôme Savary, à voir à Louvain-la-Neuve à la mi-décembre (2)). Est mis en notes et en portées également, ce qui n’entretient qu’un lien plutôt ténu avec la sphère musicale. Comme Shrek qui, après avoir triomphé en salles et en DVD, s’offre depuis peu une nouvelle vie à New York sous l’appellation S hrek, The Musical. Ou comme Bla Bla, l’ami des lardons de la RTBF, qui s’illustrera en musique (celle de Jean-Luc Fonck) avec une Comédie musicale supertonique fin décembre à Louvain-la-Neuve (3).
Bizarre, vous avez dit bizarre? Et vous n’avez pas encore tout vu. Rien n’arrête les producteurs de « musicals », comme le prouve notre top 3 des projets les plus décalés du moment.
1. Run DMC, The Musical
La célèbre productrice Paula Wagner ( Mission Impossible, Vanilla Sky…) est en contact avec les membres vivants du groupe de rap Run DMC, Joseph « DJ Run » Simmons et Darryl « D.M.C. ». Objectif: monter non pas un biopic, mais bien un show musical sur l’histoire de ces hip-hopeurs de légende. Le spectacle retracerait leurs débuts, leurs succès, mais aussi leurs moments d’abattement (alcoolisme, déboires avec la justice…), jusqu’à la mort du troisième membre de Run DMC, Jason « Jam-Master Jay » Mizell, assassiné en 2002.
2. Carrie, The Musical
Oui, la Carrie du film d’épouvante de Brian De Palma. Celle du bouquin éponyme de Stephen King. La collégienne humiliée par ses pairs et maltraitée par sa mère qui se voit investie de pouvoirs mystérieux et se venge de toutes ces vexations. Eh bien cette charmante jeune fille sera peut-être bientôt l’héroïne d’une comédie musicale. En fait, elle le fut déjà en 1988, dans une adaptation sanguinolente, kitsch et d’inspiration grecque (!) pour les décors. Après cinq représentations à Broadway, unanimement conspuées, le rideau était tombé pour de bon. Les auteurs de ce flop retentissant ne sont pas découragés pour autant: les voilà qui veulent remettre le couvert. En gommant les maladresses de leur première mouture. Les workshops autour du projet devraient débuter bientôt.
3. Spice Girls, The Musical
Au-delà de leurs chansons à proprement parler, elles nous avaient déjà infligé leur film (dans lequel Victoria – pas encore Beckham – démontrait un certain talent dans la prononciation de la marque Gucci), leurs histoires de c£ur tumultueuses en Une des journaux à potins (cf. Melanie Brown et Eddy Murphy), leur reformation en 2007 pour une tournée mondiale… Elles seraient prêtes à lancer leur propre téléréalité, sorte de Nouvelle Star à la sauce épicée, où elles s’installeraient derrière le pupitre du jury. Mais les chanteuses anglaises auraient aussi envie de monter une comédie musicale autour de leur vie, leur £uvre. Le girls band ne jouerait pas son propre rôle, mais voudrait voir des comédiennes inconnues incarner Posh, Sporty, Baby, Scary et Ginger Spice, dans un récit de leur ascension folle à la fin du XXe siècle. Le trip mégalo dans toute sa splendeur.
(1) à Forest National du 30/04 au 1/05. www.forestnational.be
(2) à l’Aula Magna du 15/12 au 19/12. www.aulamagna.be
(3) à l’Aula Magna du 27/12 au 3/01.
Texte Myriam Leroy
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