Miroir, mon vilain miroir
ELLE ÉTAIT ATTENDUE AU TOURNANT. ET ELLE N’A PAS DÉÇU. LA TROISIÈME SAISON DE BLACK MIRROR, DIFFUSÉE SUR NETLFIX, EN FAIT L’UNE DES SÉRIES ESSENTIELLES DE SON TEMPS.
Black Mirror (saison 3)
SÉRIE NETFLIX CRÉÉE PAR CHARLIE BROOKER. AVEC JAMES NORTON, CHERRY JONES, KELLY MACDONALD. DISPONIBLE SUR NETFLIX DEPUIS LE 21/10.
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4 décembre 2011. La chaîne anglaise Channel 4 diffuse le premier épisode d’une série d’un autre genre. L’intrigue est pour le moins surprenante: une princesse est enlevée, les ravisseurs exigent, pour qu’elle garde la vie sauve, que le Premier ministre ait une relation sexuelle avec un cochon, en direct sur toutes les chaînes du pays. Un scénario bizarroïde et assumé jusqu’à la moelle par son auteur, l’ancien journaliste et chroniqueur Charlie Brooker. Lequel, habitué à écrire et à ironiser sur les médias, les jeux vidéo, les nouvelles technologies, avait déjà commis la minisérie Dead Set, dans laquelle un plateau de téléréalité style Big Brother était envahi par des zombies. Mais avec Black Mirror, ce miroir noir que nous renvoient nos écrans quand ils sont éteints, Brooker passait à la vitesse supérieure.
Cinq ans, deux saisons et seulement sept épisodes (en comptant un spécial Noël) plus tard, tous indépendants les uns des autres mais reliés par une description aussi sombre que futuriste de notre société, Black Mirror revient enfin. Sur Netflix. Le géant américain du streaming à la demande a en effet récupéré Brooker dans son escarcelle, pour lui donner les moyens de voir encore plus grand, dans le casting ou dans les effets spéciaux toujours plus soignés. Cette troisième saison se compose en effet de six épisodes (on en attend six autres pour l’an prochain), qui s’appréhendent comme autant de moyens métrages aussi diversifiés que possible dans les genres abordés. Chaque histoire s’empare d’une faille, d’un travers, d’une potentialité qu’offre une technologie pour l’exploiter jusqu’à l’absurde. Et même si le dispositif peut paraître parfois un peu démonstratif, on se laisse porter par les personnages que Brooker ne délaisse jamais au profit du message.
C’est notamment le cas dans le premier épisode de cette troisième saison, qui voit une jeune femme évoluer dans une société où les citoyens se donnent des notes entre eux, sur une échelle de un à cinq. Croiser un voisin, un collègue, un passant, c’est aussi donner une cote à cette interaction: plus la note moyenne s’approche de cinq, plus les passe-droits et avantages s’accumulent. Au point que le paraître devient un enjeu concret du vivre ensemble… C’est donc de la société d’aujourd’hui que Black Mirror parle, même si ses intrigues dystopiques évoquent une société futuriste inquiétante. Si le pessimisme est au rendez-vous et que Charlie Brooker n’a pas exactement pour le concept de « happy end » un amour immodéré, on remarquera tout de même la beauté et l’espoir du quatrième épisode, dans lequel deux vieilles dames nouent une histoire d’amour dans un au-delà créé par un programme informatique.
GUY VERSTRAETEN
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