Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

Ce juif orthodoxe new-yorkais est aussi une reggae star en Amérique. Son nouvel album Light nous donnera-t-il la foi?

Matisyahu approche l’âge du Christ crucifié: il aura trente ans en juin. Et le voisinage religieux ne s’arrête pas vraiment là. Matthew Miller appartient au courant hassidique du judaïsme, d’où le look de circonstance: moustache et barbe généreuses, borsalino noir et costard idoine. Malgré une silhouette et des convictions a priori « peu pop », ce personnage hors norme s’est construit un following US plus proche de la génération Lollapalooza que des assidus de la synagogue. En deux albums studios et un tube ( King Without A Crown en 2006), il rassemble davantage de fumeurs de chichon que d’adorateurs de la Torah. Né en Pennsylvanie dans une famille adepte du judaïsme reconstructionniste – plutôt libéral -, il se la joue ado gavé aux hallucinogènes, adhérant aux Deadheads (1) et suivant inlassablement les tournées du groupe prog-rock Phish. Histoire désormais classique, il vire sa cuti rebelle lors d’un séjour en Israël: il a seize ans et tombe en pâmoison devant le courant orthodoxe. Il en épouse les pratiques, très religieuses et à nombre d’égards, très conservatrices. Chez les juifs orthodoxes, la femme en menstruation est impure et porte immanquablement foulard et perruque pour cacher une nature capillaire réservée à l’intimité maritale! Ce qui n’empêche pas les adeptes de ce courant de festoyer joyeusement, notamment aux cérémonies de baptême et de mariage. Chez les hassidim, la musique est importante.

Bob et les rabbins

Matisyahu – version yiddish de Matthew – enrôle donc le rabbin chantant Shlomo Carlebach, Bob Marley et le groupe Phish, dans sa pléiade hétéroclite de héros musicaux! L’ensemble donne des textes forcément inspirés par sa foi mais sans prosélytisme outrancier: Matisyahu s’ouvre à la société civile, jusqu’à un certain point, comme sa musique qui ne se contente pas de recycler du Jah et du Jésus. Sur Light, troisième album studio – et premier à bénéficier d’une vraie distribution en Belgique – le résident de Brooklyn sert son blend personnel et plutôt parfumé: un mix de reggae façon dance hall, pétri de tchatche hip hop et d’interventions rock consommées dans des guitares volontiers névrotiques (la neuvième plage (2)). Tout en évitant le sentiment de fourre – tout opportuniste. La voix plutôt agréable de Matisyahu – cousine possible de Jack Johnson – s’en va dépiauter des sonorités ensoleillées qu’elle trafique ensuite sous le couvert de vocoders décoiffés. L’album est riche et dansant: certains morceaux trimballent d’ailleurs l’allure chaloupée de tubes de l’été. Marrant de penser que cet adepte de règles strictes – il ne joue jamais le vendredi ou samedi pour cause de sabbat – produit des chansons qui pourraient franchement inspirer certains péchés aux non convertis…

CD Light le 20/04 chez Sony

u www.matisyahuworld.com

(1) nom donné aux fans de Grateful Dead, groupe hippie des sixties, connaissant une flamboyante popularité aux États-Unis dans les années 80/90. Leur chanteur leader iconique, Jerry Garcia, est mort en 1995, mais le culte continue.

(2) il n’y a pas encore de titres sur le pressage non définitif que nous avons reçu de Sony…

Philippe Cornet

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