A bout de souffle – Avec Lulu Femme nue, Etienne Davodeau a fait le choix du récit intimiste sans véritable histoire. Pari réussi!
D’ Etienne Davodeau, Éditions Futuropolis.
Lulu Femme nue, dont le deuxième et dernier livre vient de sortir en librairie, raconte la crise de la quarantaine d’une mère de famille. Du jour au lendemain, sans l’avoir véritablement prémédité, elle plaque mari et enfants pour prendre le temps de respirer. Il n’est pas question ici d’aller voir si l’herbe est plus verte ailleurs. Non, il s’agit plutôt de s’offrir un bol d’air pour éviter l’asphyxie. Comme Lulu, on ne sait pas combien de temps va durer l’interlude familial. Un jour, une semaine ou des années… La réponse dépendra des rencontres et des chemins empruntés durant l’escapade. » L’idée de cet album vient de la lecture d’un article sur les disparitions volontaires, explique Davodeau. J’ai été impressionné par le nombre de personnes qui ont décidé, un beau jour, d’abandonner leur vie pour tenter une nouvelle aventure ailleurs. Qu’est-ce qui se passe dans la tête de ces gens pour en arriver à une décision aussi radicale? Derrière Lulu, il y a aussi un défi: celui de faire une BD intéressante sans véritable histoire. Il n’y a pas d’action, pas de suspense, pas de poursuite en voiture. C’est juste un bref moment dans la vie d’une femme. »
L’aventure intérieure
Un des grands intérêts de cette BD tient, justement, dans l’introspection. Comment un auteur masculin peut-il s’inviter, à ce point, dans l’intimité d’une femme? Comment s’approprie-t-il des questionnements sur des fondamentaux que sont l’amour ou les rapports à l’autre sans véritablement les vivre au quotidien dans l’esprit d’une femme? » Je n’ai jamais essayé de me mettre dans la peau de Lulu. Je reste en retrait, en me contentant de raconter ce que je perçois. Je suis une simple interface entre le personnage et le lecteur. Ce qui oblige ce dernier à s’impliquer dans l’histoire de cette errance. J’espère qu’il se pose des questions, qu’il se demande, par exemple, ce qu’il aurait fait à la place de Lulu, dans une situation donnée. Il est clair que je n’apporte aucune réponse, juste quelques pistes de réflexion. »
De fait, des questions, on s’en pose souvent. A la fin du deuxième volume, on ne sait d’ailleurs pas qu’elle sera la vie de Lulu, une fois la dernière page tournée. Si l’on suppose qu’elle ne reprendra pas son ancien traintrain, on est bien incapable d’imaginer de quoi seront faits ses lendemains. Comme dans la vraie vie, en somme.
Vincent Genot
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