Lewis OfMan
Entre rêveries pop et effusions dance tongue-in-cheek, le jeune Français sort son premier album, Sonic Poems. Présentation avant son concert aux Nuits Botanique.
Devant son chocolat chaud, Lewis OfMan a la moue typique des journées métro-promo-dodo par trop remplies. L’accent parigot et la mèche rebelle finissent de lui donner l’air flapi-flanby du jeune artiste blasé. Une pose? Ou une Attitude, pour reprendre le titre de l’un de ses singles? “ Là, en l’occurrence, je suis plutôt dans un bon mood… Le truc, avec l’attitude, c’est que vous n’en avez jamais vraiment conscience. Généralement, vous n’avez qu’une vague idée de ce que vous renvoyez. En tout cas, moi, je ne sais pas trop. À la limite, faire des chansons m’aide à mieux saisir ça.”
Laissons donc tomber la première impression fatiguée. Si l’on se réfère à sa seule musique, Lewis Delhomme pour l’état civil serait plutôt ce jeune garçon hédoniste et romantique, à l’humour pince-sans-rire et aux rêveries vaguement romantiques. À 23 ans, le Français vient de sortir son premier album. Carburant à la pop-dance acidulée, Sonic Poems collera parfaitement aux langueurs estivales. Il prolonge en quelque sorte l’univers électro-sentimental inauguré dès 2017 -l’EP Yo Bene, contenant notamment des chansons aux titres aussi explicites que Plaisir ou Un amour au Super U. Le tout avec pas mal de second degré, combinant clubbing britton, épicurisme French Touch et légèreté italo, façon one Europe under a groove. “ Le seul truc qui m’énerve, et que je lis souvent dans la presse française, c’est quand on parle de ma musique comme d’une espèce d’easy listening super léger, genre La croisière s’amuse . Il faut vraiment ne pas avoir écouté le disque pour écrire ça.” OK, précisons alors le topo.
Claque électro
Né en 1999, Lewis grandit dans une famille d’artistes -un père peintre, un frère illustrateur, une sœur architecte. On comprend qu’il est arrivé en tout dernier. “ J’ai dix ans d’écart. Quand on partait par exemple en famille, mes frère et sœur faisaient leurs trucs, et moi je me retrouvais un peu seul, à m’emmerder. Du coup, mes parents me filaient encore volontiers un téléphone sur lequel il y avait deux, trois jeux.” Comme ce vieux Sony Ericsson, qui permet de bidouiller des sons et de monter des boucles rudimentaires. À l’époque, Lewis a 7 ans, et c’est, selon la légende familiale, son premier flash musical. “ Par la suite, avec un pote, on a embrayé sur GarageBand (le logiciel musical d’Apple, NDLR) et on chantait du yaourt.” Lewis se met aussi à la batterie, envisage ses premiers groupes rock sous influence Arctic Monkeys -avant de découvrir les Clash, et de dériver ensuite vers les effluves plus psychédéliques de Pink Floyd, Vanilla Fudge. Mais c’est encore un peu plus tard, en débarquant au lycée, et en commençant à sortir, qu’il tombe dans l’électronique. C’est une révélation. “ J’allais à des fêtes et j’entendais une musique différente, qui faisait bouger les gens. Quelque chose d’à la fois très romantique mais aussi très moderne, qui pénètre encore plus profondément avec les basses. Je me souviens encore précisément du moment où j’ai entendu par exemple le morceau Espoir de Darius. ça m’a foutu une vraie claque.”
Esprit pop dans un corps dance, Lewis va devenir OfMan. Il commence par poser sa touche sur le premier album de Vendredi sur Mer, celui du rappeur Ichon ou encore chez les Pirouettes, tout en sortant ses morceaux perso, de plus en plus régulièrement invité dans les rendez-vous branchouilles ou modeux parisiens. Au bout d’un moment, la question de l’album a forcément fini par se poser. Pour ce faire, il a pu compter notamment sur le soutien du producteur Tim Goldsworthy (LCD Soundsystem, The Rapture, Massive Attack). “ J’ai pu aller enregistrer dans son studio londonien. On a bossé à fond les textures, ce qui reste pour moi le plus important.”
Ce qui ramène à la question de départ: comment cerner la musique du jeune Français? “ Je fais la musique que j’aime. Et comme j’aime plein de choses différentes, ça part dans plein de directions. Le truc, c’est qu’à part Across the Universe des Beatles, aucun morceau n’est jamais parfait. Il y a toujours un truc en trop ou un élément qui manque. Donc j’essaie de m’en approcher en allant piocher à gauche et à droite, en mélangeant par exemple Miles Davis et un producteur obscur du label Hyperdub, la musique de film d’Armando Trovajoli et Manu Dibango, etc.”
Vaste programme, s’il en est. Sur Sonic Poems, la couleur reste quand même majoritairement pop et électronique. Avec éventuellement une dose d’humour ( Las Bañistas, Too Much Text), voire de kitsch assumé, comme quand un saxophone cheapos vient se balader paresseusement sur Regarde-moi. “ Le kitsch, en vrai, je ne sais pas trop ce que c’est. L’autre jour, j’ai demandé à des potes: “C’est quoi au final, on me le ressort tout le temps, ça me saoûle!” Ils ont fini par expliquer que ce n’était pas forcément péjoratif, que ça pouvait s’apparenter à quelque chose d’un peu cheesy. ça me va. C’est vrai que j’ai un truc un peu fleur bleue.” Plus loin, il ajoute encore: “ Ce n’est pas un hasard si le disque s’intitule Sonic Poems. Je conçois mes morceaux comme de la littérature ou de la poésie. Je suis par exemple plus inspiré par Baudelaire ou le Paris at Night de Prévert que, soi-disant, par des trucs italo-disco que je n’écoute pas vraiment. Au final, l’ambition est de créer une sorte d’univers musical qui te berce, et permet d’élever le monde qui t’entoure, d’y rajouter de la sensibilité.”
Lewis Ofman, Sonic Poems, distribué par Virgin. En concert le 03/05 aux Nuits Botanique.
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